Le gaspillage alimentaire au Maroc atteint des niveaux alarmants, avec des millions de tonnes de nourriture jetées chaque année. Ce fléau, qui touche toutes les couches de la société, reflète des failles dans la gestion des ressources, mais aussi un manque de sensibilisation à l’impact économique et écologique de ce phénomène. Alors que le gaspillage pèse lourd sur les budgets des ménages et sur l'économie nationale, le gouvernement prépare une législation pour s'attaquer de front à ce problème.
Le Maroc, champion du gaspillage alimentaire
Selon le dernier rapport du World Risk Poll 2024, le Maroc occupe une place inquiétante dans le classement mondial du gaspillage alimentaire, avec 72 % des déchets ménagers constitués de nourriture. Ce chiffre place le pays au quatrième rang mondial et premier en Afrique du Nord et dans le monde arabe. Un fléau économique et écologique qui grève lourdement les ménages et les finances publiques. En 2022, plus de 4,2 millions de tonnes de nourriture ont été jetées dans le pays, générant des coûts faramineux.
Le gaspillage alimentaire au Maroc ne se limite pas à une simple question de surproduction ou de mauvaise gestion des ressources. Il met en lumière des défaillances structurelles dans toute la chaîne d’approvisionnement, du champ à l’assiette. Des millions de dirhams sont perdus chaque année à cause d’une mauvaise gestion des produits alimentaires, et les coûts de traitement de ces déchets viennent alourdir un budget public déjà sous pression.
Une législation pour responsabiliser
Face à cette réalité alarmante, le Maroc s’apprête à adopter une législation visant à sanctionner les pratiques de gaspillage alimentaire. Le projet de loi prévoit des amendes équivalentes à deux fois la valeur des aliments jetés, un signal fort pour encourager la sobriété dans la consommation. L’Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA) sera chargé d’assurer l’application de cette loi, qui devrait également s’accompagner de mesures éducatives et préventives pour sensibiliser la population aux impacts de cette mauvaise habitude.
En plus de la répression, le gouvernement entend promouvoir le tri des déchets et encourager la récupération des surplus alimentaires. Le but est de transformer les comportements pour rendre les ménages, les entreprises et les acteurs de la distribution plus responsables. Les associations appellent d’ailleurs à une prise de conscience collective pour mieux gérer les ressources et éviter des pertes inutiles, tout en optimisant les chaînes d'approvisionnement.
Le défi du tri des déchets
Le problème du gaspillage alimentaire est aggravé par l’absence de tri des déchets dans une majorité de foyers marocains. Environ 60 % des ménages ne trient pas leurs déchets, un facteur qui contribue à l'ampleur du problème et freine les initiatives de recyclage. Cette mauvaise gestion augmente les coûts de traitement des déchets et limite la réutilisation des ressources, un enjeu crucial dans la lutte contre la pollution et la préservation de l'environnement.
En comparaison, des pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou encore plusieurs États européens, ont atteint un taux de tri des déchets dépassant les 80 %, avec un impact notable sur la réduction du gaspillage. Le Maroc, avec cette nouvelle législation, espère s’engager sur cette voie en rendant le tri des déchets obligatoire et en instaurant des sanctions pour les contrevenants.
Une mobilisation nécessaire
La lutte contre le gaspillage alimentaire ne peut réussir sans une mobilisation collective. Au-delà de la législation, il est crucial que les citoyens, les entreprises et les pouvoirs publics agissent de concert pour réduire cette hémorragie alimentaire. Les associations de consommateurs et les ONG appellent à des campagnes de sensibilisation de grande envergure pour éduquer les populations sur la gestion des ressources alimentaires.
Des initiatives privées, notamment dans la grande distribution, pourraient également jouer un rôle clé en évitant les pertes à chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement. L'objectif est de créer un mouvement durable, où chaque acteur, du producteur au consommateur, participe activement à la réduction du gaspillage, un enjeu écologique et économique de taille pour le Maroc.