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Retour à GMT : le gouvernement osera-t-il reculer ?

Par EL BARHRASSI Meryem -le

Retour à GMT : le gouvernement osera-t-il reculer ?
Six ans après l’adoption du GMT+1, le débat sur l’heure légale refait surface. Les promesses d’économies d’énergie s’essoufflent, tandis que les Marocains continuent de subir les désagréments d’un décalage qui bouleverse leur rythme de vie. Le moment est venu de questionner ce choix politique et ses conséquences sociales.

Chaque année, à l’approche de l’hiver, le même débat refait surface. Les matins sombres, les enfants qui se rendent à l’école avant le lever du soleil, les trajets matinaux plongés dans l’obscurité… Le Maroc vit toujours au rythme d’une heure décalée. Adopté en 2018, le passage permanent au GMT+1 devait moderniser le pays, faciliter les échanges économiques et réduire la consommation énergétique. Six ans plus tard, le bilan reste flou, et les promesses s’évaporent dans l’inconfort du quotidien.

 

Le choix de rester à l’heure d’été a été justifié à l’époque par des arguments économiques et techniques. En pratique, il a surtout transformé les habitudes sociales et désorganisé les repères naturels d’un pays où la lumière rythme encore largement la vie. Car le corps humain, lui, n’a pas changé d’heure. Réveils plus difficiles, baisse de vigilance, fatigue chronique, troubles du sommeil : les effets sont visibles, et s’accumulent. Ce qui devait être un ajustement mineur est devenu un déséquilibre permanent.

 

Un débat jamais clos

 

La contestation, elle, n’a jamais disparu. Chaque rentrée scolaire rallume la polémique, chaque changement de saison ranime la lassitude. Les réseaux sociaux se font le relais d’un mécontentement diffus mais tenace. Cette opposition, souvent perçue comme anecdotique, traduit pourtant un malaise profond : le sentiment d’une décision imposée, déconnectée du vécu des citoyens.

 

Car au-delà du confort personnel, la question de l’heure touche à la qualité de vie, à l’organisation familiale et à la santé publique. Dans les campagnes comme dans les grandes villes, ce décalage perturbe le rythme des enfants, des travailleurs, des enseignants. Il creuse un fossé entre le temps administratif et le temps réel.

 

L’économie face au quotidien

 

Lorsque le Maroc a basculé sur le GMT+1, une étude commandée par le gouvernement estimait les économies d’énergie à 0,17 % de la consommation nationale, soit environ 33,9 millions de dirhams. Une goutte d’eau à l’échelle d’un budget national, mais un bouleversement à celle des foyers. La question n’est donc plus strictement économique. Elle est sociale, culturelle et humaine.

 

La rentabilité énergétique ne saurait justifier un modèle horaire qui altère le rythme biologique des enfants ou compromet la sécurité sur le chemin de l’école. L’équation entre économie et bien-être semble aujourd’hui rompue.

 

Un choix politique, pas technique

 

Le maintien du GMT+1 ne relève pas seulement d’un calcul d’efficacité. C’est une décision politique inscrite dans la logique d’harmonisation avec l’Europe et de fluidité économique internationale. Mais ce raisonnement se heurte désormais à une autre réalité : l’Union européenne elle-même envisage d’abandonner le changement d’heure. Si Bruxelles revient à l’heure standard, le Maroc sera-t-il contraint de réviser sa position ?

 

Rien ne l’oblige à suivre, mais la pression serait forte. Car la légitimité de ce choix repose avant tout sur sa cohérence avec les partenaires économiques. Or, si le contexte change, l’argument tombe.

 

Au fond, la question du fuseau horaire dépasse le débat technique. Elle touche à la symbolique du temps. Ramadan en est la preuve : chaque année, le retour temporaire à l’heure GMT provoque un sentiment de “normalité retrouvée”. Comme si l’heure naturelle du Maroc refaisait surface, rappelant que l’adaptation au GMT+1 n’a jamais été totale.

 

Cette perception populaire n’est pas anodine. Elle montre que l’heure n’est pas qu’un instrument administratif ; c’est aussi un marqueur culturel, un repère collectif, un rythme partagé.

 

Entre inertie et volonté politique

 

Depuis six ans, le Maroc n’a pas infléchi sa position. Les appels citoyens se multiplient, mais aucune révision du décret n’a été envisagée. Le gouvernement observe, mesure, mais ne bouge pas. Dans un contexte où les priorités budgétaires et économiques dominent, la question du fuseau horaire paraît secondaire. Pourtant, elle résume un enjeu plus vaste : la capacité de l’État à écouter le vécu social derrière les décisions techniques.

 

Revenir à l’heure GMT ne serait pas un simple ajustement, mais un acte politique fort, symbole d’un retour à l’équilibre entre efficacité et humanité. Il ne s’agit pas d’effacer une réforme, mais de la repenser à la lumière de ses conséquences. Le temps, en politique, n’est pas neutre. Il façonne la vie, les habitudes, les émotions. Et lorsqu’il se décale, c’est toute une société qui vacille.

 

L’heure de trancher

 

Le débat sur l’heure légale est plus qu’un différend technique : c’est un révélateur du rapport entre l’État et les citoyens. Faut-il persister dans une mesure impopulaire au nom de la continuité administrative, ou rétablir un rythme de vie plus en phase avec la réalité du pays ?

 

Le Maroc doit choisir entre l’heure des chiffres et celle des gens. Revenir à GMT ne serait pas un pas en arrière, mais un geste d’équilibre. Le temps, après tout, n’appartient à personne — il se vit, il se partage. Et c’est peut-être là que se joue, aujourd’hui, une part de la confiance entre les Marocains et ceux qui les gouvernent.


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