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Astrophysique

Première détection d'un trou noir de masse intermédiaire

En scrutant des données recueillies par le satellite Compton Gamma Ray Observatory, inactif depuis 2000, une équipe de chercheurs de l'université de Melbourne a trouvé la trace d'un trou noir de 55.000 masses solaires. Cette catégorie de trous noir intermédiaires, prédite par les simulations, n'avait encore jamais été observée.

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Lentille gravitationnelle créée par un trou noir de masse intermédiaire

Situé entre l'émission d'un rayon gamma (à droite) et la Terre, un trou noir dévie le parcourt du rayon, créant deux images. Cela révèle sa présence, et sa masse.

Carl Knox, OzGrav

Dans la famille « trou noir », ils manquaient jusqu’ici à l’appel. Une équipe d’astrophysiciens de l’université de Melbourne a annoncé, lundi 29 mars 2021, la probable découverte du premier trou noir de masse intermédiaire : 55.000 masses solaires. Un exploit, car ces astres prévus par les modèles avaient jusqu’ici échappé aux différentes méthodes de détection. Que ce soit celles utilisées pour les trous noirs stellaires (jusqu’à une centaine de masses solaires), ou pour les trous noirs super massifs (quelques centaines de milliers à quelques milliards de masses solaires). De fait, les chercheurs ont dû ruser pour débusquer cette version cosmique de l’Arlésienne…

Trop légers, ou trop lourds

Cette catégorie de trous noirs est difficile à débusquer car ils sont justement dans un entre-deux. Les trous noirs stellaires, lorsqu’ils se tournent autour, forment des ondes gravitationnelles captées par les détecteurs Virgo en Italie et Ligo aux Etats-Unis. Une danse de ce type est enregistrée presque tous les mois désormais, mais les protagonistes font en général quelques dizaines de masses solaires. Les trous noirs super massifs, eux, se goinfrent de matière (nuages de gaz, étoiles, et tout ce qui passe à leur portée) depuis leur repaire, généralement au centre des galaxies. La matière suppliciée par la force d’attraction du trou noir géant émet une forte quantité d’énergie, rendant l’astre aussi visible qu’un phare pour les instruments des scientifiques. Tandis qu’un trou noir intermédiaire est trop massif pour former des ondes gravitationnelles d’une fréquence accessible aux détecteurs. Et s’il ne dévore pas de matière, ce qui peut lui arriver s’il est isolé, il est totalement invisible.

Un mirage causé par un trou noir

Pour trouver ce trou noir intermédiaire, les chercheurs ont fouillé des archives, plus exactement celles du détecteur BATSE (Burst and Transient Source Experiment), du satellite américain Compton Gamma Ray Observatory, en service entre 1991 et 2000. Il enregistrait des sursauts gamma, de puissants flashs d’énergie parcourant le cosmos. Les astrophysiciens ne s’intéressent pas à l’origine de ses sursauts, produits lors de la collision de deux étoiles à neutrons. Ce qu’ils scrutent, c’est la forme du signal reçu par le satellite. L’idée ? Découvrir en quelque sorte des mirages occasionnés par les trous noirs. En effet, les rayons gamma, comme n’importe quel rayon lumineux, sont déviés lorsqu’ils passent à côté d’une masse très importante. Ce phénomène, bien connu en cosmologie, s’appelle une lentille gravitationnelle. Concrètement, si une forte concentration de masse se trouve entre l’émission du flash et le satellite, le rayon sera dévié de telle sorte que le détecteur ne verra pas un, mais deux flashs, l’un se produisant un peu après l’autre.

2.700 sursauts gamma passés au crible

En passant au crible 2.700 sursauts enregistrés par le satellite retraité, l’équipe de Melbourne va ainsi repérer un signal correspondant au profil recherché : il s’agit de GRB (pour gamma ray burst) 950830, enregistré il y a vingt-cinq ans à une distance de plus de 10 milliards d’années-lumière. L’étude fine du signal leur permet de remonter à la masse de la "lentille gravitationnelle" : 55.000 masses solaires. Le travail n’est pas terminé pour les chercheurs, qui doivent encore éliminer les autres candidats capables de jouer le rôle de lentille : un amas globulaire (rassemblement très dense d’étoiles) ou un halo de matière noire. Dans les deux cas, ils ne seraient pas assez compacts pour expliquer le signal observé.

46.000 trous noirs intermédiaires dans les parages de la Voie lactée

La découverte de ce trou noir intermédiaire était d'autant plus attendue que cela pourrait expliquer la formation des trous noirs super massifs, qui reste très mystérieuse. Ces astres de plusieurs milliards de masses solaires ont été en effet détectés très tôt dans l’Univers, alors que celui-ci n’avait même pas 1 milliard d’années. Comment une telle quantité de matière aurait pu être rassemblée en si peu de temps ? Une des explications possibles serait la fusion de trous noirs intermédiaires justement. Cela dépend notamment de leur nombre. Sur le site de l’université de Melbourne, les chercheurs estiment d’ores et déjà que 46.000 trous noirs intermédiaires se cacheraient dans les environs de la Voie lactée. La traque continue…

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