Alors que l'Allemagne subissait de plein fouet la troisième vague de l'épidémie de coronavirus, le gouvernement fédéral a décidé fin mars 2021 de mettre en place un "système d'urgence" applicable à l'échelle nationale. Il s'agit d'une mesure d'exception, qui contrevient au principe du fédéralisme, mais la nécessité d'agir de manière uniforme et coordonnée sur l'ensemble du territoire a prévalu dans le but de contenir la pandémie. À cette fin, la Loi sur la protection contre les maladies infectieuses a dû être modifiée.
Le couvre-feu fait partie des mesures d'urgence
Entré en vigueur le 24 avril 2021, ce système d'urgence s'applique dans les arrondissements enregistrant un taux d'incidence sur sept jours dépassant le seuil de 100 nouvelles infections pour 100.000 habitants, ce qui correspond à la plus grande partie du territoire. Si ce dépassement se produit pendant trois jours consécutifs, les mesures adoptées, incluant restriction des contacts et couvre-feu de 22h à 5h du matin, sont mises en place dès le jour suivant.
Pendant tout le mois d'avril, tandis que ces mesures étaient en préparation, l'opinion publique s'est interrogée sur leur validité, et tout particulièrement sur l'utilité et l'efficacité du couvre-feu. Car il ne fait l'unanimité ni dans la classe politique allemande, ni parmi les scientifiques à l'échelle internationale, et il pose également problème du point de vue juridique.
Une mesure liberticide pour l'opposition
Il ne s'agit pas d'une première en Allemagne, puisque cet hiver des couvre-feux ont déjà été mis en place dans certaines régions où l'incidence était élevée, en Hesse, en Saxe, en Bavière ou en Thuringe.
Alors que l'Allemagne subissait de plein fouet la troisième vague de l'épidémie de coronavirus, le gouvernement fédéral a décidé fin mars 2021 de mettre en place un "système d'urgence" applicable à l'échelle nationale. Il s'agit d'une mesure d'exception, qui contrevient au principe du fédéralisme, mais la nécessité d'agir de manière uniforme et coordonnée sur l'ensemble du territoire a prévalu dans le but de contenir la pandémie. À cette fin, la Loi sur la protection contre les maladies infectieuses a dû être modifiée.
Le couvre-feu fait partie des mesures d'urgence
Entré en vigueur le 24 avril 2021, ce système d'urgence s'applique dans les arrondissements enregistrant un taux d'incidence sur sept jours dépassant le seuil de 100 nouvelles infections pour 100.000 habitants, ce qui correspond à la plus grande partie du territoire. Si ce dépassement se produit pendant trois jours consécutifs, les mesures adoptées, incluant restriction des contacts et couvre-feu de 22h à 5h du matin, sont mises en place dès le jour suivant.
Pendant tout le mois d'avril, tandis que ces mesures étaient en préparation, l'opinion publique s'est interrogée sur leur validité, et tout particulièrement sur l'utilité et l'efficacité du couvre-feu. Car il ne fait l'unanimité ni dans la classe politique allemande, ni parmi les scientifiques à l'échelle internationale, et il pose également problème du point de vue juridique.
Une mesure liberticide pour l'opposition
Il ne s'agit pas d'une première en Allemagne, puisque cet hiver des couvre-feux ont déjà été mis en place dans certaines régions où l'incidence était élevée, en Hesse, en Saxe, en Bavière ou en Thuringe. Mais fin mars, les politiques ont tout de même renchéri sur la nature liberticide de cette contrainte. Dietmar Bartsch, chef du groupe parlementaire du parti de la Gauche, s'est ainsi prononcé contre les restrictions de la liberté de circulation à l'échelle nationale, jugeant le couvre-feu comme "une mesure très dure qui ne devrait être utilisée que dans des situations d'extrême urgence". Pour l'expert en santé des Verts, le médecin Janosch Dahmen, il s'agit également d'une mesure de "dernier recours" ; c'est en tout cas la moins efficace des mesures d'urgence qui doivent selon lui entrer en vigueur le plus rapidement possible. Même son de cloche au FDP, dont le leader, Christian Lindner, considère le couvre-feu comme "un empiètement disproportionné sur la liberté", qui plus est "inefficace sur le plan épidémiologique".
Les études scientifiques allemandes ne fournissent pas de données fiables
On peut toutefois se demander sur quels chiffres se fondent ces assertions, car, selon l'Institut Robert Koch, il n'existe pas d'évaluation systématique de l'effet du couvre-feu en Allemagne. On a seulement constaté que les taux d'incidence ont diminué dans de nombreux endroits où il a été imposé, sans pouvoir cependant évaluer son réel impact. Ainsi, dans le Bade-Wurtemberg, où le taux d'incidence est passé d'environ 200 à 50 entre Noël et la mi-février.
Les quelques études qui ont été publiées en Allemagne ne donnent également qu'une vision partielle de l'effet du couvre-feu. Les chercheurs en mobilité de l'Université technique et de l'Institut Zuse de Berlin arrivent à la conclusion qu'un couvre-feu permet de réduire les contacts dans la sphère privée, ce qui correspond au but indiqué par le ministre de la Santé, Jens Spahn. Les chercheurs considèrent cependant que cet outil peut "s'émousser relativement vite", car la population choisira certainement d'autres moments de la journée pour se rendre visite ou se réunir.
En revanche, une étude menée par des chercheurs en économie de l'université de Giessen, analysant les taux d'incidence sur sept jours en Hesse entre la mi-novembre 2020 et fin février 2021, ne trouve "aucune preuve statistiquement significative d'un impact des couvre-feux nocturnes sur la propagation de la pandémie". Tout d'abord parce que le couvre-feu n'est qu'une mesure parmi d'autres, admettent-ils, mais aussi, très certainement, parce que leur champ d'investigation est limité à quelques arrondissements où il n'a été appliqué que par intermittence.
Les études scientifiques internationales ne sont pas unanimes
Les études menées dans d'autres pays ne fournissent pas non plus de résultats parfaitement cohérents. L'expert en santé du SPD, le médecin Karl Lauterbach, partisan d'un confinement strict incluant le couvre-feu, se réfère essentiellement à une étude menée par l'université d'Oxford, selon laquelle le couvre-feu nocturne pourrait avoir un effet positif sur le taux de reproduction (le nombre de personnes contaminées par une personne infectée). Il peut en effet baisser de 13 %, les auteurs précisant toutefois qu'il n'est efficace que s'il est combiné à d'autres restrictions (fermeture des écoles, des cafés, des restaurants et des salles de sport, limitation des réunions privées), occasionnant alors une diminution de 26% du taux de reproduction.
Une étude canadienne indique également une diminution effective de la mobilité nocturne en comparant deux provinces voisines : pendant deux mois de couvre-feu, le Québec a enregistré une réduction relative de 31% par rapport à l'Ontario, où cette mesure n'était pas en vigueur.
En revanche, un groupe de scientifiques de Toulouse indique que le couvre-feu pourrait avoir un effet néfaste selon l'heure à laquelle il débute : fixé à 20h, il a permis de réduire la propagation du virus dans la ville, mais lorsqu'il a été avancé à 18h, la situation s'est aggravée.
En l'absence de données concrètes suffisamment précises, certains pays comme la Suède et l'Italie se sont fiés aux résultats du projet ASSOCC, une simulation qui teste sur une société virtuelle l'efficacité des mesures pour contrer l'épidémie. Selon Amineh Ghorbani, enseignante à l'Université technique de Delft (Pays-Bas), qui travaille depuis un an sur cette simulation, le couvre-feu est efficace pour bloquer la croissance exponentielle et éviter la surcharge du système de santé ; mais il doit impérativement être combiné à d'autres mesures de restriction des contacts, comme un confinement strict, et surtout rester en vigueur plus longtemps que ce confinement.
Une mesure anticonstitutionnelle
En Allemagne, c'est toutefois le principe même du couvre-feu qui est combattu. Tout d'abord par les physiciens qui ont effectué des recherches sur les aérosols, qui dénoncent son effet contre-productif, car il suggère que l'extérieur serait dangereux et incite les habitants à rester à l'intérieur, alors que c'est tout le contraire ! Cette prise de position a eu pour effet notable d'introduire une modification de la loi d'urgence, autorisant la pratique du sport en extérieur et les promenades jusqu'à minuit.
Cette première brèche a sans doute offert des espoirs aux défenseurs des libertés civiles, parlementaires et juristes, qui critiquent le couvre-feu pour des raisons avant tout formelles. Espérant le faire invalider partiellement ou totalement, car il viole plusieurs législations et empiète sur les droits fondamentaux des personnes privées, ils ont déjà déposé 280 recours auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Dès le 5 mai, cette dernière, jugeant que le couvre-feu "sert un objectif fondamentalement légitime", a cependant rejeté les premières procédures accélérées. Les juges examineront dans un deuxième temps sa compatibilité avec la Loi fondamentale, mais ils ajoutent que même si les experts ne s'accordent pas sur l'efficacité du couvre-feu, ils estiment d'ores et déjà qu'une suspension de la loi serait plus préjudiciable.
Il est encore trop tôt pour juger des effets de la nouvelle Loi sur la protection contre les maladies infectieuses, mais depuis la dernière semaine d'avril, le taux d'incidence est en baisse, même s'il est encore largement supérieur à 100 (138,9 le 5 mai). Pour autant, nul ne sait combien de temps les mesures d'exception resteront en vigueur.