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Santé

Les médecins indiens épuisés, effrayés, traumatisés par la bataille contre le Covid-19

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Un médecin examine un patient atteint du Covid-19 dans une unité de soins intensifs à l'hôpital Nightingale près de la localité de Siliguri en Inde le 1er juin 2021
Un médecin examine un patient atteint du Covid-19 dans une unité de soins intensifs à l'hôpital Nightingale près de la localité de Siliguri en Inde le 1er juin 2021
AFP - Diptendu DUTTA

Epuisés par de longues heures de garde, mal rémunérés, traumatisés, les médecins indiens sur le front de la bataille contre le coronavirus craignent en permanence pour leur propre vie et celle de leur famille.

"Nous sommes surchargés de travail, stressés et très effrayés", confie à l'AFP Radha Jain, médecin à New Delhi, capitale indienne.

Depuis le début avril, le Covid-19 a emporté au moins 165.000 vies en Inde, pays de 1,3 milliard d'habitants, qui abrite certaines des villes les plus densément peuplées du monde.

Les médecins paient un lourd tribut dans cette crise sanitaire sans précédent. Plus de 1.200 d'entre eux ont succombé au Covid depuis le début de la pandémie, dont plus de 500 ces deux derniers mois, selon les chiffres de l'Association médicale indienne.

Si l'épidémie semble s'apaiser, quelque 3.000 personnes meurent encore chaque jour du Covid-19 et le système de santé reste soumis à une forte pression.

Officiant en banlieue de Delhi, le docteur Deependra Garg sait combien la situation est devenue catastrophique. son épouse Anubha, 48 ans, elle-même médecin et dûment vaccinée, a contracté le Covid-19 en avril. Son traitement avait débuté à leur domicile, mais son état s'étant aggravé, il a dû se battre, en même temps que tant d'autres, pour la faire admettre dans un hôpital, comme la plupart, saturé.

- "Pas le choix" -

C'est dans un hôpital situé à quelque 200 kilomètres de chez eux que sa femme a pu finalement être admise mais elle est décédée deux semaines plus tard, laissant derrière elle une fille de 12 ans.

"Nous sommes sur le front 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Nous sommes exposés à une charge virale élevée, mais nous devons continuer à travailler contre vents et marées car nous avons choisi cette profession", explique le docteur Garg, "nous n'avons pas le choix".

La pandémie a mis en évidence les faiblesses structurelles du système de santé indien, notamment dans les hôpitaux publics mal équipés, sous financés. Le gouvernement indien consacre moins de 2% du PIB aux soins de santé, l'un des taux les plus bas au monde.

À mesure que la deuxième vague épidémique se propageait, les rapports d'hôpitaux se multipliaient pour faire état du manque de personnel, de malades couchés à même le sol ou à plusieurs dans les lits, les familles à leur chevet portant de simples masques de coton.

L'Inde, troisième puissance économique d'Asie, sixième au niveau mondial, ne comptait que 0,8 médecin pour 1.000 habitants en 2017, soit une situation équivalente à celle de l'Irak, selon des données de la Banque mondiale. Le Brésil et les États-Unis, les deux autres pays les plus endeuillés par le virus, en dénombraient respectivement 2,2 et 2,6.

- Le virus "tapi partout" -

Selon un rapport antérieur à la pandémie de l'institut américain Center for Disease Dynamics, Economics and Policy, le secteur de la santé indien manquait d'au moins 600.000 médecins et deux millions d'infirmières.

Il a fallu faire appel à du personnel junior et aux étudiants en dernière année de médecine qui ont parfois travaillé 24 heures sur 24, raconte le docteur Shekhar Kumar, dans un hôpital privé de l'État de l'Uttar Pradesh (nord).

Par rapport à la vague de l'an dernier, "cette fois, les malades ont besoin d'être hospitalisés plus longtemps, ce qui augmente la charge incombant au personnel de santé", souligne le docteur Kumar. C'est la catastrophe quand l'un d'eux est à son tour contaminé, ajoute-t-il.

Nombre de médecins se disent en outre traumatisés d'avoir dû choisir qui sauver en priorité, en raison des pénuries de médicaments et d'oxygène.

"Cette situation a changé la vie des médecins", déclare à l'AFP Ravikant Singh, fondateur d'une organisation caritative qui aide à ériger des hôpitaux de campagne. "Le pire étant(...) que nous n'avons pas pu sauver nombre de vies faute d'oxygène".

Leur pénible tache quotidienne accomplie, les médecins s'inquiètent aussi du risque de contaminer leurs familles. Le docteur Kumar se dit obsédé par la pensée que le virus est "tapi partout, n'importe où".

"Si les médecins ne peuvent pas sauver leur (propre) vie, comment pourraient-ils sauver celle des autres ?"

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