Bientôt à l’affiche du film « Sœurs », Isabelle Adjani n’a jamais pris de repos au cours de sa longue carrière. Dans les années 70, la sculpturale brune captive François Truffaut qui l’arrache au théâtre pour lui donner le premier rôle dans « L’Histoire d’Adèle H. ». Elle fait alors sa place dans un cinéma français qui l’adule. Au même moment, Daniel Day-Lewis fait ses débuts Outre-Manche. Il fait l’unanimité dans « My beautiful Laundrette » de Stephen Frears, joue pour James Ivory et partage l’écran avec Juliette Binoche. En 1989, l’Irlandais confirme son talent et remporte le précieux Oscar pour son interprétation du poète irlandais infirme Christy Brown, dans « My Left Foot ». À deux, ces monstres du cinéma comptabilisent aujourd’hui trois Oscars et cinq César. Deux étoiles dont les chemins se croisent après la première anglaise du film « Camille Claudel », de Bruno Nuytten.   

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Leur rencontre demeure secrète mais l’actrice en garde un vif souvenir. Il faut dire que ce brun ténébreux a une drôle de manière de séduire. Romantique, Daniel Day-Lewis ? Théâtral, plutôt. Après leurs premiers échanges, Isabelle Adjani reçoit dans sa suite du Claridge un mot d’amour pour le moins dramatique. « Bienvenue dans ce pays misérable », écrit Daniel Day-Lewis sur ce bout de papier. Il est tombé amoureux de Camille Claudel, suppose l’actrice dans une interview pour « Madame Figaro ». Peut-être, mais l’attirance est mutuelle. Elle « donne suite » et les deux amants s’aiment passionnément pendant cinq ans. « Avec Daniel Day-Lewis, il y avait quelque chose de l’ordre de l’éblouissement amoureux. Mais un proverbe dit que deux étoiles ne peuvent pas vivre sous les mêmes cieux. Et puis, on ne fait pas sa vie avec l’homme qu’on a le plus aimé : de ça, je suis sûre. » Isabelle Adjani et son bel Irlandais, une passion impossible ?  

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Des blessures profondes   

Quand elle lui annonce qu’elle est enceinte, il disparaît. La légende dit qu’il l’a quittée par fax. Mais la mère de Gabriel-Kane, leur fils né en 1995, dément cette rumeur. Pourtant, leur rupture subite est douloureuse. « Je lui ai dit que j’étais enceinte. On ne s’est pas revus par la suite. Il ne m’a jamais dit que c’était fini. J’aurais aimé qu’il le fasse car j’aime quand les choses sont claires », confie-t-elle toujours à « Madame Figaro ». C’est un coup de massue pour l’héroïne de « La reine Margot », qui pensait avoir enfin trouvé son âme-sœur. « Quand nous nous sommes séparés, je suis restée si seule… Une veuve. C’est presque inconfessable. Il y a, chez moi, une petite phrase gravée sur un miroir : “Mourir par amour est beau mais c’est stupide.” L’exaltation amoureuse ne nourrit pas : c’est un sucre rapide… »La vie avec Daniel Day-Lewis était une parenthèse enchantée, délicieuse mais brutale, marquée par le cynisme du comédien.   

 Ce dernier vit les choses intensément. Trop, peut-être. Avant de se glisser dans un nouveau rôle, il ne fait plus qu’un avec son personnage. Pour préparer « Le dernier des Mohicans », il part vivre en immersion dans la forêt et chasse son propre gibier. Pour « Au nom du père », il s’enferme dans une cellule de prison et passe des mois en fauteuil roulant hors et sur le tournage de « My Left Foot ». À la sortie du biopic « Lincoln », son partenaire de jeu Joseph Gordon-Levitt se souvient : « Je n’ai jamais rencontré Daniel Day-Lewis. J’ai rencontré le président. Je l’appelais “Monsieur” et il m’appelait “Robert”. » Des pratiques qui lui valent trois Oscars. Mais ces habitudes ne se transposent pas toujours à la réalité. En dehors des studios, le Britannique n’est pas reconnu pour sa délicatesse. Isabelle Adjani en fait les frais et garde le souvenir d’une remarque blessante : « Je ne comprends pas comment Arthur Miller a pu épouser Marilyn Monroe. Elle était grosse », déclare un jour son compagnon. « Il y avait intérêt à rester mince ! », plaisante l’actrice, 25 ans plus tard.    

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Avec le temps vient l’apaisement  

 Mère célibataire, elle est prête à tout pour oublier ce chapitre déchirant. Elle quitte Los Angeles et s’installe en Suisse, où une loi protège les mères qui souhaitent obtenir la garde de leurs enfants. « Après la naissance de mon second fils, le litige qui m’opposait à son père m’a fait prendre cette décision », déclare-t-elle publiquement en 2014. Les relations ne sont pas au beau fixe pendant des années : l’enfant vit avec sa mère à Paris, celle-ci évite de travailler aux États-Unis. C’est le terrain de son ancien amour. « Déprimée », affaiblie par cette partie d’elle qui « s’est brisée » au départ du père de Gabriel-Kane, Isabelle Adjani fait finalement la paix avec cette peine de cœur. « Tout est pacifié, mais je suis convaincue que les grandes passions ne se transforment jamais en grandes amitiés », estime la star. Admirative de sa carrière et de sa nouvelle vie avec Rebecca Miller, Isabelle Adjani observe de loin. « Il serait intrusif et incongru de le revoir aujourd'hui. » Leur fils, mannequin prometteur et DJ en herbe de 26 ans, se demande parfois à quoi ressemblerait la vie avec ses deux parents. « Une fois, quand même, on a fêté Thanksgiving tous ensemble dans le Connecticut. Il n'y avait pas de tension, mais c'était très bizarre », se souvient Gabriel-Kane dans « Gala ». À 13 ans, le jeune homme s’est installé à New York avec son père, dont la force brute contraste avec la grâce d’Isabelle Adjani. « Papa était plus rude. C’est un vrai gars, un gars qui se salit les mains ! Si tu tombes, il ne va t’aider que s’il est sûr que tu ne pourras pas te relever seul. Avec lui, c’était l’école de la vie. »   

 L’histoire n’a rien d’un conte de fées mais cela n’affecte plus Isabelle Adjani. Ils ne vécurent pas heureux et n’eurent pas beaucoup d’enfants, pourrait-on réécrire. « Les parents ont eu la délicatesse de se séparer avant qu'il n'arrive. C'est très pratique pour l'enfant : aucun traumatisme », ironise-t-elle dans « Gala ». Malgré sa distance, son départ soudain et les rumeurs qui l’ont accompagné, Daniel Day-Lewis restera à jamais l’objet de sa plus grande passion. « Les deux seuls hommes que j'ai passionnément aimés sont les pères de mes deux fils », confiait-t-elle un jour à Nicolas Bedos pour « Paris Match ».