Il y a quelques jours, une étude révélait l’existence d’un événement d’extinction qui a frappé les requins de haute mer, il y a 19 millions d’années. Pour s’en rendre compte, les auteurs avaient étudié la répartition et l’abondance dans les sédiments de microfossiles appelés ichtyolites qui sont constitués de fragments d’écailles et de dents de requins et d’autres poissons. Aujourd’hui, des scientifiques de l’Université de Californie à Santa Barbara ont appliqué la même technique pour étudier les requins de récifs sur une période beaucoup plus récente, à partir d’il y a 7.000 ans.
Trois fois moins de requins qu’à la préhistoire
Ils ont, eux, analysé les ichtyolites dans un ancien récif de corail nommé Bocas del Toro sur la côte Caraïbe de Panama ainsi que sur trois autres sites modernes. Leurs résultats, publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, indiquent que l'abondance des requins dans la région a diminué d'environ trois fois depuis la préhistoire, les espèces nageant plus rapidement étant plus durement touchées. Une grande partie de cette diminution s’étant produite au cours des 100 dernières années et plus particulièrement durant la deuxième moitié du 20ᵉ siècle. Ce sont les requins pélagiques à nage rapide qui semblent avoir le plus souffert des activités humaines.
Les auteurs ont également compilé et analysé les archives correspondantes aux habitats humains dans la région et constaté que le récif fossile étudié était antérieur aux premières traces d’installations de l’Homme dans cette région. Ce qui leur permet d’affirmer que c’est essentiellement l’impact de l’exploitation marine par les communautés nouvellement installées qui est responsable de la baisse de diversité des requins.
Images en fausses couleurs au microscope électronique à balayage des écailles de plusieurs espèces de requins trouvées sur les récifs des Caraïbes. Crédit : Erin Dillon, Jorge Ceballos, Aaron O'Dea, & Ashley Diedenhofen.
Un déclin qui n'est pas uniquement lié à la surpêche
Les chercheurs ont également découvert que les types de requins trouvés sur ces récifs avaient changé entre la préhistoire et aujourd'hui. Les espèces pélagiques, comme le requin requiem de sable et le requin-marteau, ont plus décliné que les espèces démersales, qui vivent à proximité des fonds, comme le requin nourrice. "Si vous aviez fait de la plongée en apnée sur ces récifs il y a quelques milliers d'années, non seulement les requins auraient été plus fréquents, mais il y aurait eu relativement plus de requins pélagiques nageant plus rapidement", raconte dans un communiqué Erin Dillon, principale auteure de l’étude.
Elle a aussi été frappée par le fait que les requins de tous types ont diminué au cours de cette période. "Nous ne nous attendions pas à une baisse aussi importante des requins nourrices au fil du temps, car ils ont une faible valeur commerciale et sont rarement ciblés par les pêcheries de la région", a-t-elle déclaré. Cela suggère que le déclin des requins n’est pas uniquement lié à la surpêche, mais pourrait aussi être causé par des facteurs indirects comme la perte des habitats ou la diminution du nombre de proies. Reste maintenant à savoir si les mêmes tendances sont observées ailleurs dans le monde. Une tâche à laquelle s’est attelée Erin Dillon qui a entrepris de collecter des carottes de sédiments dans des régions ayant des histoires humaines et écologiques différentes afin de mieux appréhender l’histoire des requins au cours des derniers millénaires.