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Embarquement pour Cannes : dernières retouches sur la Croisette avant le défilé des stars

À Cannes, les badauds s'arriment solidement chaque année face au Palais des festivals deux jours avant le lancement.
À Cannes, les badauds s'arriment solidement chaque année face au Palais des festivals deux jours avant le lancement. ERIC GAILLARD / REUTERS

Mardi 6 juillet - Mylène Farmer est là, les techniciens mettent la dernière main aux préparatifs, les restaurateurs font grise mine. Après deux années d'attente, Cannes s'éveille tout doucement. Reportage.

Ni au Martinez, ni sur la Croisette, le Festival de Cannes débute dans une échoppe du 1er arrondissement de Paris, méli-mélo de costumes, de chemises, de bouts de tissus. Un couturier chinois réputé y accepte en soufflant les retardataires bien sous toutes les coutures qui défilent, penauds, avec leur smoking trop grands. La 74e édition du Festival international du film débute dans une poignée de jours. Valérie Lemercier, habituée de la maison, y a déposé quelques effets. Elle sera à Cannes pour la présentation d'Aline , son biopic sur Céline Dion.

Voilà la Croisette, à la veille de l'ouverture. Les polos cols relevés et les visages bronzés surplombent des glaces en terrasses. Grâce aux embouteillages, les propriétaires de Porsche gagnent en spectateurs. Le soleil frappe. C'est la terre promise des crop tops. Le long du rivage, il y a presque plus d'affiches de la 74e édition avec le front de Spike Lee (première fois qu'un président du jury est ainsi en haut de l'affiche officielle) que de lampadaires. Et pour ceux qui le voudraient en entier, il suffit de se retourner : le président du jury s'étale sur une pub de l'autre côté de la rue. Non loin de là, visiblement fâché avec sa penderie, Fabrice Eboué traîne ses tongs à la recherche d'un bout de plage. Celle-ci est tapissée par les lounges qui s'avancent jusqu'à la mer.

La brigade cynophile fait des rondes. Les CRS ne sont pas loin. BP

Mardi 6. Les yachts s'ébrouent dès l'aube, à l'heure où ne bronzent pas encore les compagnes de millionnaires. Le personnel plie des nappes. Un jeune homme fait des pompes sur le pont. Au Palais des festivals situé au bord de l'eau, les hommes du service technique, qui se comptent par centaines, s'activent pour installer les tentes du Marché du film. Des transpalettes foncent. Dans les couloirs, il y a davantage d'hôtesses que dans un palace. Aux entrées, les agents de sécurité utilisent des détecteurs de métaux dernier cri. La brigade cynophile fait des rondes. Les CRS ne sont pas loin. Discrétion mais vigilance.

Entre 30% et 35% de journalistes de moins que d'habitude viennent cette année à Cannes. Ils seront 3000. Ni les Russes ni les Asiatiques n'ont pu venir, leurs pays étant en zone rouge. Même les Italiens, nos voisins cinéphiles, viennent en solo. La Rai n'a réservé que dix chambres, contre quarante une année normale. On entend tout de même parler néerlandais, allemand ou espagnol. Les festivaliers, eux, devraient être 28.000 contre 40.000 les autres éditions, selon les organisateurs. Pour leur sécurité, des médiateurs Covid de la Croix-Rouge ont été affectés pour inciter à se faire tester et à la vaccination. En anglais s'il le faut. Cinq personnes seront présentes quatre jours sur les deux semaines de l'événement... Sur la première matinée, 23 tests antigéniques ont été réalisés.

Le cinéma de la plage accueillera notamment Tony Gatlif et Jean-Pierre Jeunet. BP

Lors de la conférence de presse du jury, mardi après-midi, l'acteur de Parasite Song Kang-ho parle du «miracle» qu'il y a à se retrouver. Entre deux discours féministes et interventions activistes, les autres membres évoquent une édition «historique». Dans les rues, les Cannois, eux aussi, se réjouissent du retour du rendez-vous du 7e art, de son «ambiance», de l'électricité dans l'air. Les commerçants un peu moins. «On fait 1000 couverts contre 1700 habituellement en mai», explique Jean-Luc, devant une pizzeria iconique du port. À l'Hôtel Centre - Univers, en plein cœur de la ville, la patronne regrette ce report de la manifestation au mois de juillet pour cause de covid : les prix ayant décuplé, les touristes français viennent moins. «Attendez tout de même mercredi et le début des vacances scolaires», assure l'Office du tourisme. Les Saoudiens et leurs suites ne devraient pas non plus tarder.

«Nous ne communiquons pas sur les clients de l'hôtel» : ils sont loin les polars où les concierges donnaient des tuyaux aux journalistes. Instagram le fait pour eux. La reine Farmer, membre du jury, est arrivée lundi au Martinez. Elle a salué ses fans depuis le balcon. À Cannes, les badauds deviennent des vedettes. Ils s'arriment solidement chaque année face au Palais des festivals deux jours avant le lancement, accrochant à la nuit tombée des dizaines d'escabeaux. Leurs propriétaires, toutes des femmes de la région, se souviennent du «beau sourire» de Will Smith. Nabilla, elle, avait été huée (l'égérie de la télé-réalité les aurait traitées de «clochardes» !). Pour l'heure, elles n'ont vu cette année «que Thierry Frémaux ». Elles se rattraperont avec la cérémonie d'ouverture. Toute la journée, sans désemplir, une foule siège en bas des vingt-quatre précieuses marches. Certains se recoiffent pour les selfies, d'autres immortalisent leur accréditation sur le fond rouge. Tapis, mon beau tapis...

Benjamin Puech


Cancans cannois

Almodovar invité surprise

Même sans film à présenter, le réalisateur espagnol, l'un des plus fidèles du Festival de Cannes, a foulé le tapis rouge pour l'ouverture de la 74e édition. «Pedro m'a dit “c'est le retour de Cannes, le retour du cinéma! J'ai envie d'être là, avec vous, pour marquer ça”», a raconté sur France Inter Thierry Frémaux. Pas encore palmé, Pedro Almodovar, qui a présidé le jury en 2017, a été récompensé deux fois à Cannes pour Tout sur ma mère, prix de la mise en scène en 1999, et Volver, prix du scénario et prix d'interprétation collective pour ses actrices en 2006.

Une présidente pour le Festival de Cannes?

«Pierre Lescure s'est engagé quand il a été réélu l'année dernière pour un mandat de trois ans, à réfléchir à sa succession en émettant le vœu d'être remplacé par une femme qui en ferait la première présidente du festival de Cannes», a rappelé le délégué général et sélectionneur Thierry Frémaux. «Quant à ma propre situation, je ne veux pas l'évoquer maintenant mais, oui, je viens d'avoir 60 ans et je vais un peu penser à la suite», a ajouté le sélectionneur cannois.

Dîner d'ouverture végétarien

Dans le respect de la distanciation toujours en vigueur, le dîner d'ouverture, trié sur le volet, devait se dérouler mardi soir après la projection de Annette au Palm Beach où a été tourné en 1963 Mélodie en sous-sol de Henri Verneuil avec Jean Gabin et Lino Ventura. Le chef trois étoiles Alain Passard a concocté spécialement un menu «tout légume».


Le billet du service Cinéma

Spike Lee et ses drôles de dames, mardi. VALERY HACHE / AFP

Cannes avant la tempête

Mardi après-midi, les membres du jury se retrouvent face à la presse dans l'enceinte du Palais des festivals. Photo de famille. Derrière les masques, tout le monde sourit. Qui va pouvoir tenir tête au charismatique Spike Lee? En 2017 face à Pedro Almodovar, Paolo Sorrentino avait fait basculer le vote du côté du très iconoclaste The Square. Les femmes sont comme les doigts de la main : cinq. Pas forcément unies. Mélanie Laurent est la plus en verve. Elle imagine les femmes comme des arbres « qu'on empêche de respirer » et se réjouit de voir que sur le tapis rouge, les techniciens seront aussi « bien habillés » que les stars.

À l'image de ses pensées, le visage de Mylène Farmer est dissimulé derrière une frange de cheveux. Une journaliste géorgienne dénonce le sort des LGBT dans son pays. Spike Lee qualifie les oppresseurs de « gangsters », le cinéaste brésilien Kleber Mendonça Filho opine. Mylène Farmer préfère « réserver ses opinions » pour ses chansons.

Maggie Gyllenhaal, élégante actrice américaine, dit que « les femmes font des films différents ». Pourquoi pas. La réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop soutient la parité mais ne voudrait pas qu'elle débouche sur une vision « formatée et politiquement correcte » du Septième art. Le prophète de Jacques Audiard, Tahar Rahim reste silencieux. Il se dit très honoré de siéger en « si belle compagnie » ; on sent qu'il n'a pas envie de retourner en prison. Impassible, l'acteur coréen Song Kang-Ho, le héros de Parasite, sapé comme un dandy, suit ces interventions très politiques, collé à son traducteur. Engoncé dans son fauteuil, Spike Lee n'a quitté ni sa casquette ni ses convictions. Le combat continue.

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