« Nous sommes inconsolables », confie Wendy O’Grady à  The Independent. Dans un article paru fin août, le quotidien britannique raconte l’histoire de cette femme, dévastée par la mort de son labrador. Quand Wendy et son mari Mike ont appris que leur chien Zac souffrait d’un cancer, en juillet 2021, ils ont dû prendre la décision de mettre fin à sa vie. Wendy a posé quinze jours de congés pour surmonter cette épreuve, qu’elle compare à la perte d’un enfant. Certains pourront trouver cette comparaison excessive et déplacée mais après une dizaine de fausses couches, l’arrivée du petit chiot avait illuminé la vie de l’Anglaise.  

« Il peut y avoir beaucoup de symbolique derrière la posture et la place que l’on donne à un animal, constate Maïté Tranzer, psychologue. Quand on adopte un animal, on lui donne aussi une place dans le foyer. » 

« Il était considéré comme un membre à part entière de notre famille. Il s’appelait Max, mes parents l’avaient adopté tout bébé, à l’âge de deux mois, quand j’avais 10 ans, se souvient Charline*, 18 ans. On avait une complicité vraiment spéciale. » La disparition de ce Berger allemand a été « un moment extrêmement dur » pour la jeune femme, qui a grandi avec lui. « Max n’avait plus de force pour se nourrir, quand on l’aidait il recrachait la nourriture, raconte-t-elle. J’ai compris que c’était la fin pour lui. Il est mort la tête posée sur mes genoux, je le câlinais en lui répétant “ça va aller mon grand, je t’aime très fort, merci pour toutes ces années à mes côtés”. Ma main était posée sur lui et j’ai senti sa respiration ralentir jusqu’à s’arrêter complètement. J’ai essayé de le ranimer, je n’étais vraiment pas prête à le laisser partir, je lui ai fait un massage cardiaque, du bouche-à-bouche, j’étais prête à tout, il a repris sa respiration à peine quelques secondes et s'est arrêté tout de suite après... » Après cette épreuve, la jeune fille a heureusement pu compter sur le soutien de son entourage pour vivre son deuil, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.  

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« Il faut reconnaître cette tristesse et ne pas la mettre de côté » 

Contrairement à la perte d’un être humain, le décès d’une boule de poils (ou d’écailles) et la peine qu’il engendre peuvent être plus difficiles à comprendre pour les proches. « Les cinq étapes du deuil (le déni, la colère, la négociation, la dépression et, enfin, l'acceptation), nous les observons parfois chez nos clients, qui les traversent quand ils perdent leur animal, rapporte Sylvia Masson, vétérinaire, spécialiste en médecine du comportement des animaux de compagnie. Pour des personnes seules, leur chat ou leur chien peut devenir leur plus grand compagnon, celui avec qui ils dialoguent le plus. Parfois, il y a des gens qui nous disent “je suis très triste d’avoir perdu mon chien, dans ma famille ils ne comprennent pas parce que je n’ai pas été aussi triste pour ma grand-tante qui est morte il y a six mois”.  Mais leur grand-tante, elle, ne vivait pas avec eux... » 

Certains propriétaires vont jusqu’à s’auto-censurer, par peur des jugements extérieurs. « Souvent les gens nous disent que nous sommes les seuls interlocuteurs avec qui ils se sentent autorisés à dire qu’ils sont tristes, déclare la vétérinaire. Au travail, dans la vie de tous les jours, les collègues vont leur dire “ça va, c’est juste un chat”... » 

Pourtant, un animal, qui avait son caractère propre, ses habitudes et avec qui ses propriétaires ont créé des souvenirs, peut laisser un grand vide au quotidien. « Kiwi* avait des “horaires”, elle se levait tous les jours à 20 heures, raconte Marianne*, 24 ans, qui a perdu son hamster récemment. Du coup, quand je mangeais, je regardais sa cage. [...] Une fois qu’elle n’était plus là, j’ai gardé le réflexe de tourner la tête vers sa cage vide, en me demandant si elle allait se réveiller. » 

Maïté Tranzer conseille de ne pas traverser cette épreuve seul, et d’expliquer malgré tout son mal-être à ses proches : « Il faut reconnaître cette tristesse et ne pas la mettre de côté, parce qu'au bout d’un moment ça nous rattrape, conseille-t-elle. [La mort d’un animal] est un véritable bouleversement, je pense qu’il faut l’évoquer, exprimer que c’est une souffrance, qu’il y a une perte de repères. [...] Si c’est incompris par l’entourage, je crois qu’il ne faut pas essayer de se justifier mais juste exprimer son propre ressenti et ce que ça génère pour soi. » 

Un business en plein essor 

Marianne et son compagnon ont enterré Kiwi au bois de Vincennes, « dans une petite boîte avec ses jouets et sa nourriture ». « Kiwi était un peu notre mascotte, explique Marianne. On faisait beaucoup de blagues à son sujet. Notre conversation Facebook porte encore son nom d’ailleurs... » 

De plus en plus de propriétaires ressentent le besoin de célébrer la mémoire de leur animal, voire de leur organiser une cérémonie d’adieu. Certaines sociétés l’ont bien compris. « Pour les animaux de compagnie, ça fait bien longtemps qu’on a des incinérations réalisées par des sociétés dédiées, avec la possibilité d’assister à la cérémonie et d’avoir une urne individuelle pour l’animal, détaille Sylvia Masson. Il y a même une société qui propose des sacs en tissu avec une fermeture éclair, comme ceux dans lesquels on met les corps humains, pour que ce soit plus digne. » Et pour ceux qui souhaiteraient aller se recueillir sur une véritable tombe, c’est également possible à Asnières (Hauts-de-Seine), où un cimetière est entièrement dédié aux chiens.  

*Les prénoms ont été modifiés.