Comment protéger l’intimité de son domicile lorsque l’on vit en copropriété? Le sujet est plus complexe que l’on ne le croit comme le montrent dans leur décryptage pour Le Figaro immobilier, Bruno Lehnisch, cadre juridique, et Jean-Philippe Mariani, avocat spécialisé en droit immobilier. Il arrive en effet fréquemment dans un immeuble qu’il faille effectuer des investigations ou des travaux d’entretien ou réparations sur des parties communes situées à l’intérieur des lots privatifs ou dont l’accès nécessite de passer par des parties privatives. C’est alors qu’il faut réussir à concilier ces besoins avec le respect de la vie privée et l’inviolabilité du domicile qui sont des droits fondamentaux.

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Comme le soulignent Bruno Lehnisch et Jean-Philippe Mariani, le texte de référence en la matière est l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 où l’on peut lire: «Un copropriétaire ne peut faire obstacle à l’exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d’intérêt collectif régulièrement décidés par l’assemblée générale des copropriétaires, dès lors que l’affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives n’en sont pas altérées de manière durable. La réalisation de tels travaux sur une partie privative, lorsqu’il existe une autre solution n’affectant pas cette partie, ne peut être imposée au copropriétaire concerné que si les circonstances le justifient.» On retrouve d’ailleurs fréquemment des dispositions analogues dans les règlements de copropriété. Le principe général laisse donc entendre qu’un copropriétaire doit laisser le libre accès de son logement à toute entreprise mandatée par le syndic.

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Résistance abusive

Mais si le copropriétaire s’oppose à cette intrusion, c’est au juge, gardien du droit à la vie privée, de soupeser l’équilibre des droits et des libertés pour s’assurer de la proportionnalité de la démarche de la copropriété. Il peut intervenir en référé, ordonner un accès à un lot privé voire condamner un copropriétaire pour résistance abusive. Dans tous les cas de figure, pénétrer dans un logement ne peut se faire sans autorisation des occupants ni autorisation judiciaire. Sinon, les condamnations pour violation du domicile peuvent être très sévères.

L’espace concerné par cette protection est tout ce qui relève du domicile ce que la jurisprudence définit ainsi de longue date: «le domicile ne désigne pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore le lieu, qu’elle y habite ou non, où elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux» (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 26 février 1963, 62-90.653). On parle donc aussi bien de caves, greniers, terrains, jardins, terrasses sans oublier les parties communes à jouissance privative. Et cela peut même concerner des espaces vides d’occupation ou non fermés (CA Rennes, 1re ch., 17 mars 2020).

Des astreintes salées pour les récalcitrants

Cette législation protectrice du copropriétaire peut néanmoins le condamner s’il s’avère trop récalcitrant. «Lorsqu’il est établi qu’un copropriétaire s’est opposé sans motif légitime à l’exécution de travaux à l’intérieur de son lot, il commet une faute engageant sa responsabilité, de sorte qu’il devra indemniser le syndicat des copropriétaires», précisent MM. Lehnisch et Mariani. Un copropriétaire qui s’était opposé abusivement à l’accès à son balcon dans le cadre de travaux de façade, a ainsi été condamné à prendre en charge le coût de la facturation supplémentaire de la location des échafaudages qui ont dû rester plus longtemps en place (Cass. 3e civ., 27 avr. 2017, n° 14-24.518 ; CA Paris, pôle 4, ch. 5, 18 juin 2014, n° 12/21531).

Les sommes à régler par jour de retard peuvent s’envoler selon le comportement du copropriétaire récalcitrant. Dans un arrêt du 2 juillet 2020, elles s’élèvent à 4600 € à l’encontre d’un copropriétaire refusant de donner l’accès à son appartement pour une réfection des colonnes montantes votée en assemblée générale (CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 2 juill. 2020, n° 19/19588). Quant au délai pour être averti avant le début de la réalisation de travaux à l’intérieur d’un lot privatif, il est en principe de huit jours, toujours selon l’article 9 de la loi de 1965. Il faut être informé notamment de la nature des travaux et du nom du prestataire et la notification se fait sous la forme d’une lettre recommandée. Dans le cas de travaux urgents, une information immédiate doit être délivrée aux copropriétaires (CA Versailles, 4e ch. 2e sect., 26 juin 2017, n° 15/03788) et l’urgence doit être démontrée par le syndic.

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