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Affaire Mila : des peines de 3 mois avec sursis à 4 mois ferme pour harcèlement et menace de mort sur Twitter

Le 12 avril, la représentante du pôle national de lutte contre la haine en ligne avait requis jusqu'à six mois de prison ferme contre les prévenus, parmi lesquels figurent quatre femmes.

Le tribunal judiciaire de Paris a condamné mardi 24 mai à des peines allant de trois mois de prison avec sursis à quatre mois ferme, sous bracelet électronique, six personnes, dont quatre femmes, jugées pour harcèlement et menace de mort à l'encontre de Mila.

Mila n'était pas présente à l'audience mardi ni aucun des prévenus, âgés de 19 à 39 ans. Dans son délibéré, le tribunal n'a retenu le chef de menace de mort qu'à l'encontre d'une seule prévenue, Melinda D., mère de deux enfants, déjà condamnée à plusieurs reprises pour vol, escroquerie ou conduite sans permis. Les cinq autres prévenus ont été condamnés sur le seul chef de harcèlement aggravé. Outre les peines de trois mois avec sursis pour une prévenue et de quatre mois ferme pour une autre, deux prévenus ont écopé d'une peine de quatre mois de prison avec sursis et deux autres de six mois avec sursis.

Tous les prévenus devront en outre verser une somme de 3000 euros à Mila en réparation du préjudice moral. Ils sont également tous privés du droit d'éligibilité pour un an. «La condamnation des six personnes poursuivies était nécessaire», a estimé l'avocat de Mila, Me Richard Malka, en soulignant que «seulement quelques mots sur un réseau social peuvent avoir de graves conséquences pour les auteurs de ces mots de haine et de violence». «Je n'ai aucune satisfaction à voir condamner ces jeunes gens. Ma seule satisfaction dans ce dossier ce serait que Mila puisse retrouver une vie normale... et c'est pas le cas», a-t-il ajouté.

Incapacité à se remettre en cause

Le 12 avril, la représentante du pôle national de lutte contre la haine en ligne avait requis jusqu'à six mois ferme contre les prévenus. La procureure avait, dans le détail, requis des peines de six mois de prison avec sursis à l'encontre des trois seuls prévenus qui s'étaient présentés à l'audience, huit mois de prison avec sursis contre deux prévenus absents et six mois ferme contre la seule, également absente, qui présentait un casier judiciaire chargé.

À l’issue de deux jours d'audience, la représente du ministère public avait déploré dans ses réquisitions l'«incapacité» des mis en cause «à présenter de véritables excuses et à se remettre en cause». Sur le banc des prévenus, seule Sorenza D., 19 ans, avait demandé directement pardon à Mila. «Si un jour, je croise cette meuf, je la tue de mes propres mains», avait posté cette jeune femme frêle, les cheveux tirés en queue-de-cheval, sur son compte Twitter en novembre 2020. «À l'époque, je m'exprimais que de cette façon car c'est comme ça que j'ai été éduquée», avait-elle alors justifié, évoquant un père violent.

Un «bouc émissaire »

Mila est «un bouc émissaire de toutes les valeurs que nous, adultes, nous avons cessé de transmettre, c'est le bouc émissaire de nos lâchetés», avait de son côté argué l'avocat de Mila, Richard Malka, qui avait mis en garde contre la «banalisation» de la cruauté sur internet et le risque d'accepter «ce langage» comme étant «celui des jeunes». Comme d'autres prévenus, Tristan J., un étudiant de 19 ans, avait affirmé au cours de l'audience qu'il ne pensait pas que son tweet puisse parvenir jusqu'à Mila. «Pour moi, il n'y a que mes amis qui regardent mes tweets». Il avait répondu à un camarade de classe qu'il fallait «la fumer», pour, dit-il, le «faire rire».

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«Les mots ont un sens», avait aussitôt tancé Me Malka. «Pour vous, ces tweets étaient des bêtises, pour elle, c'est une torture». Mila, 18 ans, vit sous protection policière. La jeune femme a été la cible d'un «raz-de-marée de haine» après avoir répondu en janvier 2020, alors qu'elle était âgée de 16 ans et demi, à des injures sur les réseaux sociaux sur son orientation sexuelle par le biais d'une vidéo véhémente sur l'islam.

La jeune femme, qui revendique son droit au blasphème, s'était attirée une nouvelle salve de menaces après la publication d'une seconde vidéo polémique, le 14 novembre 2020, dans laquelle elle lançait vertement à ses détracteurs: «et dernière chose, surveillez votre pote Allah, s'il vous plaît. Parce que mes doigts dans son trou du cul, j'les ai toujours pas sortis». Selon son avocat, Mila a reçu plus de 100.000 messages haineux et de menaces de mort depuis sa vidéo de janvier 2020.

«Je ne veux plus jamais qu'on fasse culpabiliser les victimes»

L'affaire Mila, devenue symbolique du combat pour la liberté d'expression et le droit au blasphème, a pris une ampleur médiatique très importante dans un pays marqué par des attaques islamistes meurtrières en 2015 contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo qui avait publié des caricatures de Mahomet ou contre l'enseignant Samuel Paty décapité en 2020 après avoir montré ces mêmes caricatures à des élèves. En juillet dernier, le tribunal correctionnel de Paris avait déjà condamné à des peines de quatre à six mois de prison avec sursis dix personnes pour «harcèlement en ligne» et la onzième, une jeune femme de 18 ans, pour «menaces de mort».

«Ce que je veux c'est que, tous ensemble (...) on continue de se battre», avait commenté la jeune femme en sortant du tribunal, accompagnée de ses parents, de son avocat et des agents chargés de sa protection. «Ce que je veux, c'est que les personnes qui seraient considérées comme des pestiférés, à qui on interdirait les réseaux sociaux, ce soit ceux qui harcèlent, qui menacent de mort, qui incitent au suicide. Je ne veux plus jamais qu'on fasse culpabiliser les victimes», avait-elle insisté.

L'infraction de cyberharcèlement a été créée par une loi de 2018. Elle peut être constituée dès lors que plusieurs personnes s'en prenant à une même victime savent que leurs propos ou comportements caractérisent une répétition, sans que chacune de ces personnes ait agi de façon répétée ou concertée. Les prévenus encourent deux ans de prison et 30.000 euros d'amende pour le harcèlement en ligne, trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende pour les menaces de mort.


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39 commentaires
  • Sans-dents

    le

    Peines absolument dérisoires !
    Le message envoyé est clair: En France, on ne risque donc rien en envoyant à une personne plus de cent mille messages de menaces de viols, de tortures diverses et de mort violente !
    La jeune Mila vivra donc toute sa vie sous protection policière.
    Et ça passe crème ...

  • Anonymous du Grand Nord

    le

    Bravo, ils pourront tous recommencer

  • anonyme

    le

    Là encore cela va être la République qui"gagne "??

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