Elle aurait dû prendre la parole à l’occasion de la Nuit des Molières pour faire entendre sa voix et celle de nombre d’autres qui, comme elle, ont subi des agressions et violences sexuelles dans le milieu. Elle aurait dû porter, sur la scène face à un public de gens costumés venus quêter peut-être la récompense de leur carrière, le mouvement #MeTooThéâtre qu’elle a co-fondé l’an dernier suite au viol qu’elle dit avoir subi en 2020.

En lieu de cela, une partie du texte de Marie Coquille-Chambel a été raturé et retoqué par l’Académie – trop évocateur « de cas particuliers », pas assez centré « autour d’une proposition », a justifié son président Jean-Marc Dumontet dans les colonnes du « HuffingtonPost ». La comédienne n’a eu d’autre choix que de porter ses revendications dans la rue, face au théâtre des Folies Bergères où s’est tenue la cérémonie.

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À peine arrivée sur place, attendue par une poignée de militantes et militants venus à son appel sur les réseaux sociaux, Marie Coquille-Chambel subit un contrôle d’identité de la police. Elle et deux amies resteront savamment entourées par deux fourgons et huit agents de police pendant près de 45 minutes. « On est devant, on n’est pas dedans, et c’est probablement davantage notre place. On n’avait aucune volonté d’interdire ou d’intervenir dans la cérémonie », explique Séphora Haymann, comédienne et militante féministe proche de Marie Coquille-Chambel, qui n'a pas été arrêtée parce qu’elle ne brandissait pas de pancarte.

« Regarde-toi en face »

Ce mouvement, qu’un dispositif de sécurité démesuré cherchait à tuer dans l’œuf, a finalement connu son heure de gloire. Dans la petite foule d’une cinquantaine de personnes, on reconnaît les figures du féminisme Alice Coffin et Adèle Haenel, venues soutenir la libération de la parole et le combat contre « l’impunité systématique des agresseurs ». Au-dessus des têtes, quelques pancartes sont soulevées malgré les mises en garde de la police. « Regarde-toi en face », est-il écrit sur l’une d’elles, assorti d’un miroir déformant.

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« Pas d’honneur pour les violeurs », ont entonné les dizaines de manifestantes pour #MeTooThéâtre © Thomas André

Il est 21 heures. Le petit peloton tente un baroud d’honneur pour se faire entendre malgré tout. Massées devant les portes des Folies Bergères, entourées par des policiers presque aussi nombreux qu’elles, couvertes par les regards torves et les complaintes de quelques badauds dont elles n’ont cure, les militantes entonnent « pas d’honneur pour les violeurs » jusqu’à s’époumoner. Marie Coquille-Chambel est invitée à prononcer ici, devant le théâtre dans lequel elle aurait dû passer la soirée, le discours qu’on lui a refusé de faire valoir à la cérémonie. « Je m’appelle Marie Coquille-Chambel et j’ai été violée par un acteur de la Comédie-Française en 2020. En vous disant publiquement ce soir que j’ai été violée, je risque d’être poursuivie pour diffamation ou dénonciation calomnieuse. Je l'ai déjà été. Aujourd’hui, j’attends le classement sans suite de ma plainte. Parce que je sais que ma plainte sera classée, comme dans 76% des cas. »

Après cela, la foule se sépare. Certaines rentrent chez elles, d’autre finiront la soirée autour d’une bière. L’objectif est atteint. Le message a été porté. Mais sera-t-il écouté ?