Si l’histoire commence seulement à faire du bruit dans la presse, elle alerte la diplomatie depuis bientôt une semaine. Deux Britanniques, Aiden Aslin (28 ans) et Shaun Pinner (48 ans), ainsi qu’un Marocain, Brahim Saâdoun (21 ans), ont été faits prisonniers par les autorités séparatistes pro-russes de Donetsk alors qu’ils combattaient aux côtés de l’armée ukrainienne. Jugés coupables d’être des mercenaires à la solde de Kiev, ils ont été condamnés à mort.

Rendu jeudi 9 juin, ce verdict est le premier prononcé contre des étrangers combattant en Ukraine. « Ils sont venus en Ukraine tuer des civils pour de l’argent », a déclaré aux journalistes celui qui les a condamnés, le dirigeant de la région séparatiste de Donetsk Denis Pouchiline. Pourtant, selon l’agence de presse officielle russe (TASS), deux des trois condamnés, Brahim Saâdoun et Shaun Pinner, ont formellement récusé les accusations de « mercenariat » qui pesaient sur eux, bien qu’ayant reconnu leur participation à des combats « visant à la prise violente du pouvoir ». Le commandant en chef de l’Ukraine lui-même a assuré à l’ONU que les trois hommes appartenaient aux forcées armées ukrainiennes.

Un jeune homme d’à peine 21 ans

Parmi les trois condamnés à mort, l’un d’eux a tout juste atteint la majorité internationale de 21 ans. Quelques éléments indiquent qu’il a été capturé en avril dernier, un peu plus d’un mois après le début de la guerre entamée le 24 février par la Russie. Dans une vidéo postée sur Reddit il y a deux mois, celui qu’on reconnaît comme étant Brahim Saâdoun (son père lui-même reconnaîtra son fils sur les images) est interrogé par un homme russe pendant sa détention.

Le jeune homme sur la vidéo explique étudier « la technologie spatiale à Kiev » et maîtriser cinq langues : le berbère, l’arabe, le français, l’anglais et le russe. Il explique s’être engagé dans l’infanterie ukrainienne mais ne précise pas quand. À l’agence de presse PA, un ami et compagnon d’arme du jeune Marocain, Dmytro Khrabstov, donne certains éléments de réponse : selon lui, Brahim a rejoint les forces russes à l’été 2021 dans l’espoir de « changer les choses » et de « mourir en héros ».

Un enrôlement dans l’armée dont son père, Tahar Saâdoun, ignorait visiblement tout. Dans une vidéo datée du 21 avril sur la chaîne Blanca TV, ce dernier explique qu’il attendait la venue de son fils, qui devait être rapatrié au Maroc comme tous les étudiants étrangers présents sur le territoire ukrainien.

Vives réactions parmi la communauté internationale

Dès le jeudi précédent, la cheffe de la diplomatie britannique Liz Truss avait qualifié la décision des séparatistes pro-russes de « simulacre de jugement sans légitimité ». La déclaration du Premier ministre Boris Johnson s’est fait attendre ; ce dernier ne s’est exprimé que samedi 11 juin, se disant « consterné » par la décision des forces et a indiquant tout mettre en œuvre, en coopération avec Kiev, pour l’inverser. De son côté, le dirigeant séparatiste Denis Pouchiline entend maintenir « une punition parfaitement juste » sans « une quelconque atténuation ou modification de peine ». Il accuse notamment Boris Johnson de ne s’être inquiété de la situation qu’au moment où cette dernière circulait parmi la presse britannique.

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L’ONU s’est finalement mêlée de l’affaire. Vendredi 10 juin, une porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme, Ravina Shamdasani, a fait savoir que les trois condamnés « ne devraient pas être considérés comme des mercenaires ».

Mais pourquoi cette question de mercenariat tient-elle tant de place dans la survie de ces prisonniers ? En fait, comme indiqué dans la Convention de Genève révisée en 1949, les membres d’une armée faits prisonniers de guerre sont protégés des poursuites, exceptés cas de crimes de guerre présumés. Or, en considérant ces trois hommes comme mercenaires, c’est-à-dire comme combattants armés ayant agi en-dehors de toute organisation officielle, les séparatistes entendent contourner les règles de protection qui leur sont garanties.

Les échanges diplomatiques des prochains jours pourraient permettre d’aboutir à faire reconnaître les trois jeunes hommes comme des soldats de l’armée ukrainienne. « Ce sera un échange », a expliqué sur la BBC l’ambassadeur ukrainien à Londres Vadym Prystaïko, précisant que « les Russes parlent d’un échange avec des députés ukrainiens » arrêtés dans leur pays pour intelligence avec la Russie. Le député conservateur Robert Jenrick a quant à lui assuré avoir reçu des garanties des autorités ukrainiennes que les Britanniques Aiden Aslin et Shaun Pinner seraient les otages prioritaires à faire libérer.