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Evasion : luxe, calme et Cala di Volpe

Par Cédric Saint André Perrin
23 septembre 2022

En Sardaigne, nichée au coeur de Porto Cervo, l’adresse est ultraselect, le bâtiment iconique, sa rénovation tout en subtilité. Conçu par l’architecte Jacques Couëlle en 1963, cet hôtel profite d’une seconde jeunesse sous la houlette de l’agence Moinard Bétaille.

Claire Bétaille et Bruno Moinard.

Fut un temps où la Costa Smeralda n’était qu’une terre vierge, un immense désert sauvage et granitique, ciselé par la mer. Tout change au début des années 1960. Un prince charmant, jeune et riche, survole le nord-est de la Sardaigne. Frappé par la beauté des lieux, il décide de s’offrir 54 kilomètres de côtes. Ce prince, c’est Karim Aga Khan, héritier d’une dynastie célèbre et chef spirituel de quinze millions d’ismaéliens.

De ce petit coin de paradis, il va faire un Éden touristique pour milliardaires. Soucieux de respecter la beauté sauvage des lieux, l’Aga Khan s’adresse à l’architecte français Jacques Couëlle (1902-1996) pour ériger l’hôtel Cala di Volpe. Celui qui se définit comme un “sculpteur de maisons” conçoit une construction organique qui brouille la limite entre intérieur et extérieur. Étonnante manière de faire, qui sacrifie la symétrie à la courbe et à l’ondulation. Ni coins, ni angles, mais des formes arrondies, des tunnels et des arches. Jacques Couëlle privilégie avant tout les matériaux bruts, naturels et locaux comme la pierre ou le bois. Ses intérieurs évoquent parfois une grotte troglodytique dans laquelle on s’enfonce pour découvrir de nouvelles surprises visuelles, à l’image des plafonds habillés de branches et de troncs ou encore de ces multiples niches rythmant les volumes. Le succès est au rendez-vous. De la princesse Anne à Sting, de Juan Carlos à Jacqueline Kennedy, l’hôtel Cala di Volpe devient le repaire estival de la jet-set. Le succès ne s’est depuis jamais démenti…

Reste que quelque soixante ans après son inauguration, l’adresse nécessitait un petit coup de frais. La tâche en a été confiée à Bruno Moinard et Claire Bétaille, un duo d’architectes d’intérieur parisiens rompus à l’art du renouveau des palaces : le lifting du Plaza Athénée, c’était eux ! “Œuvrer sur des bâtiments iconiques comme l’hôtel Cala di Volpe nécessite une certaine humilité, assurent les deux décorateurs. Tout était demeuré dans son jus, pas question de casser la magie !” Avec déférence, ils se sont donc attelés, quatre hivers durant, en profitant de la fermeture de l’établissement, à rendre leur fraîcheur perdue aux enduits muraux, à éclaircir les bois des poutres ayant viré au brun, à restituer tout leur éclat aux tomettes.

Mais plus qu’une simple restauration, Bruno Moinard et Claire Bétaille se sont employés à adapter l’hôtel aux standards de confort d’aujourd’hui. “Certaines cellules de vie ont été rassemblées afin de créer des suites spacieuses. Nous avons divisé la grande salle façon réfectoire en deux restaurants plus intimistes, l’un doté d’une carte gastronomique, l’autre dévolu à la chaîne Beef Bar. Partout les éclairages ont été revus afin de rendre les espaces plus chaleureux.” Au mobilier d’origine, les deux associés ont ajouté des fauteuils enveloppants aux dossiers évoquant des pagaies, des tables d’appoint aux plateaux de lave émaillée. Des pièces dessinées par leurs soins. Leurs interventions s’intègrent avec justesse dans l’oeuvre de Jacques Couëlle. Mieux, elles structurent une architecture organique parfois un peu flottante. “Ce fut pour nous un projet unique, un de ces chantiers que l’on aimerait ne jamais voir finir. Heureusement, nous poursuivons l’aventure. L’hiver prochain, nous nous attaquerons aux quelques chambres qu’il nous reste encore à restaurer.”

Hôtel Cala di Volpe, Costa Smeralda, Porto Cervo, Italie.

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