En France, la prise d’antidépresseurs est courante. En 2020, on comptait 5 cachets et demi ingérés pour 100 habitants par jour, selon une étude Statista. Leur but est de diminuer les émotions négatives et de redonner un certain engouement aux patients. Mais une étude parue dans la revue « Neuropsychopharmacology », montre qu’un type d’antidépresseurs, appelés « inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine » (ISRS) parce qu’ils ciblent les neurones à sérotonine, ont pour effet de « lisser » les émotions. Sans faire la différence entre les émotions négatives ou positives. Les chercheurs danois et anglais à la tête de l’étude parlent d’ « émoussement » émotionnel, un effet secondaire qui serait ressenti par 40 à 60 % des patients sondés.

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Un effet sur l’apprentissage et la récompense

Le fait que le médicament affecte les régulations de sérotonine dans le cerveau a des conséquences sur notre comportement. Si cet effet secondaire ne concerne pas tous les consommateurs d’antidépresseurs, beaucoup se rendent comptent qu’ils ne ressentent plus, ou moins, d’émotions positives. 66 patients, scindés en deux groupes, ont réalisé des tests pour déterminer si les antidépresseurs avaient des effets cognitifs. Le premier groupe prenait un médicament ISRS pendant 26 jours et le deuxième, un placebo. Ils ont ensuite passé des tests qui mesuraient l’attention, la mémoire, ou bien leurs émotions (par exemple, la prise de décision et l'apprentissage).

Les chercheurs n’ont observé aucune différence entre le placebo et le véritable médicament sur la mémoire ou l’attention, mais en ont détecté sur l’apprentissage. Les participants avaient plus de difficultés à utiliser le feedback positif ou négatif pendant une tâche pour s’adapter par la suite. Autrement dit, ils ne réagissent plus au sentiment de réussite ou d’échec. Si le sentiment de récompense dû à la réussite s’altère, l’apprentissage devient plus lent.

Un traitement qui reste tout de même efficace

« L'émoussement émotionnel est un effet secondaire courant des antidépresseurs ISRS, explique le professeur Barbara Sahakian dans l’étude. D'une certaine manière, c'est peut-être leur mode d'action : ils atténuent une partie de la douleur émotionnelle ressentie par les personnes souffrant de dépression, mais malheureusement, il semble qu'ils enlèvent aussi une partie du plaisir. Grâce à notre étude, nous pouvons maintenant voir que c'est parce qu'ils deviennent moins sensibles aux récompenses, qui fournissent un feedback important. »

Mais les antidépresseurs restent un traitement efficace. « Mon inquiétude est que les gens voient cela et pensent que le message est de ne pas prendre de médicaments. C'est exactement le genre de travail dont nous avons besoin, mais cela n'affecte pas tout le monde – chacun est unique et les traitements restent thérapeutiques », précise le médecin.