Près de 8% de notre génome est composé de séquences génétiques virales, qui se sont incrustées dans notre ADN lors d’infections survenues il y a des milliers, voire des millions d’années. Ces "squatteurs" génétiques sont pour la plupart inactifs, mais certains sont encore capables de former de nouvelles copies d’eux-mêmes. Cependant, ils restent endormis tant que leur ADN n’est pas exprimé. En général, nos cellules s’assurent de les faire dormir le plus longtemps possible. Un système épigénétique couvre ces séquences virales pour qu’elles ne soient pas accessibles et ainsi évite que les instructions pour fabriquer le virus ne soient lues. Mais une nouvelle étude de l’Académie chinoise de sciences, publiée le 19 janvier 2023 dans la revue Cell, vient de mettre en évidence que cette couverture tombe avec le temps, favorisant le réveil de ces virus. Et qu’une fois réveillés, ils infectent les cellules autour et accélèrent leur vieillissement.
Des rétrovirus cachés dans l’ombre
Ces virus sont des rétrovirus endogènes, qui ont la capacité de transformer leur ARN en ADN pour qu’il puisse s’intégrer dans l’ADN de la cellule hôte.
Près de 8% de notre génome est composé de séquences génétiques virales, qui se sont incrustées dans notre ADN lors d’infections survenues il y a des milliers, voire des millions d’années. Ces "squatteurs" génétiques sont pour la plupart inactifs, mais certains sont encore capables de former de nouvelles copies d’eux-mêmes. Cependant, ils restent endormis tant que leur ADN n’est pas exprimé. En général, nos cellules s’assurent de les faire dormir le plus longtemps possible. Un système épigénétique couvre ces séquences virales pour qu’elles ne soient pas accessibles et ainsi évite que les instructions pour fabriquer le virus ne soient lues. Mais une nouvelle étude de l’Académie chinoise de sciences, publiée le 19 janvier 2023 dans la revue Cell, vient de mettre en évidence que cette couverture tombe avec le temps, favorisant le réveil de ces virus. Et qu’une fois réveillés, ils infectent les cellules autour et accélèrent leur vieillissement.
Des rétrovirus cachés dans l’ombre
Ces virus sont des rétrovirus endogènes, qui ont la capacité de transformer leur ARN en ADN pour qu’il puisse s’intégrer dans l’ADN de la cellule hôte. Ils sont considérés comme endogènes lorsque leur matériel génétique est déjà intégré dans le génome, leur permettant de se multiplier dans le corps sans qu’il y ait besoin d’une nouvelle infection avec un virus venant de l’extérieur. En étudiant des cellules qui vieillissent prématurément (des modèles cellulaires utilisées pour étudier le phénomène de sénescence, encore nommé vieillissement cellulaire), les chercheurs ont remarqué que ces séquences virales s’exprimaient davantage dans ces cellules vieillissantes que dans des cellules jeunes. Ce réveil précoce du virus était causé par une baisse de la méthylation dans les régions du génome contenant ces séquences, ce qui entraine l’exposition de ces régions et permet qu’elles soient lues. En d’autres mots, la couverture épigénétique n’était plus là pour faire dormir l’ADN du virus. Ce phénomène a été confirmé dans des cellules extraites de personnes âgées, comparées à celles de personnes plus jeunes.
L’activation de ces virus est une des causes du vieillissement cellulaire
Donc, le vieillissement cause le réveil de ces rétrovirus endogènes chez l’humain. Est-ce grave ? Pour le savoir, les chercheurs ont conçu un système qui leur permettait d’activer ou inactiver ces séquences virales à volonté. Résultat : l’expression de ces gènes viraux dans des cellules jeunes induisait une forme de sénescence précoce. Ce même résultat était atteint en empêchant la méthylation de l’ADN, montrant que c’est bien ce système épigénétique qui empêche le virus de s’exprimer. Alors que l’inactivation des séquences virales dans des cellules vieillissantes diminuait les traces du vieillissement.
Mais comment ces virus pourraient-ils accélérer le vieillissement ? En activant le système immunitaire inné et en causant ainsi un état inflammatoire. Quand les séquences génétiques du virus ne sont plus couvertes grâce à la méthylation, la machine transcriptionnelle de la cellule lit cet ADN et génère des ARN messagers qui seront ensuite utilisés comme guides pour produire les protéines virales. Puisqu’il s’agit de rétrovirus, une de ces protéines a le pouvoir de générer de nouvelles séquences d’ADN à partir de l’ARN viral. Cet ADN étranger est ensuite reconnu par les défenses cellulaires, qui activent le système immunitaire pour attaquer l’assaillant. Mais cette réponse cause de l’inflammation, qui finit par atteindre la cellule même et accélère ainsi le vieillissement.
Le vieillissement cellulaire est contagieux
Pire : les nouvelles copies virales peuvent sortir de la cellule et aller infecter d’autres, les rendant sénescentes. C’est ce que les chercheurs ont observé en cultivant des cellules jeunes dans le milieu de culture de cellules plus vieilles. Ces cellules sénescentes n’y étaient plus mais avaient laissé les nouvelles particules virales, qui ont ensuite attaqué les jeunes cellules.
Mais les chercheurs ont aussi trouvé une parade : le médicament contre le VIH Abacavir. Cette drogue bloque la protéine virale qui permet aux rétrovirus de transformer leur ARN en ADN, stoppant ainsi le cycle de réplication virale. Ce médicament parvenait à diminuer les traces du vieillissement dans les cellules exprimant l’ADN viral… et arrivait même à réduire les stigmates de l’âge chez des souris vieillissantes.
Une piste pour ralentir le vieillissement
Comme pour les humains, une des maladies les plus communes du vieillissement chez la souris est l’arthrose, qui se caractérise par une perte du cartilage dans les articulations. Les chercheurs ont observé qu’un rétrovirus endogène de la souris s’exprimait davantage dans les articulations de ces animaux lorsqu’ils vieillissaient. Et que le fait de bloquer le virus (en bloquant son expression ou avec Abacavir) entrainait une augmentation du cartilage dans les articulations et une diminution de l’inflammation.
Et il semblerait que stopper ces virus serait bénéfique pour l’ensemble du corps et pas seulement pour les articulations. Les souris âgées traitées avec le médicament anti-VIH avaient aussi une meilleure capacité physique et une meilleure mémoire à court terme que les souris non traités du même âge. Cette étude doit encore être confirmée chez des humains et donc l’utilisation de cette drogue pour "traiter" le vieillissement n’est pas pour demain. Mais elle constitue une vraie piste à explorer afin de mieux comprendre les causes et les conséquences (voire, un jour, les remèdes) de l’âge.