Partager
Santé

Virus de Marburg en Guinée-Equatoriale : y a-t-il un risque d'épidémie ?

Une fièvre hémorragique proche d’Ebola a frappé pour la première fois en Guinée-Equatoriale le 13 février 2023. Les autorités sanitaires sont en alerte.

réagir
Le virus de Marburg.

Le virus de Marburg, à la micrographie électronique.

SIPA
Le virus de Marburg.
Virus de Marburg en Guinée-Equatoriale : y a-t-il un risque d'épidémie ?
Hervé Ratel
00:00 / 00:00

Depuis le 13 février 2023, l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et l'institut Pasteur de Dakar sont en état d'alerte suite à une possible flambée du virus Marburg dans l'est de la Guinée-Equatoriale. “Possible“ car si plusieurs malades ont présenté les mêmes symptômes, un seul a pu être confirmé en laboratoire pour ce virus. "Ce cas suspect vivant a été prélevé le 9 février, il est décédé le jour d'après, détaille auprès de Sciences et Avenir Anaïs Legand, experte technique dans l’équipe des fièvres hémorragiques virales à l'OMS. Il pourrait faire partie d'un cluster plus large puisque 8 autres décès suspects ont été reportés dans deux villages de Guinée-Equatoriale. Ces personnes ont été inhumées. Il est donc impossible aujourd'hui de vérifier si elles sont bien décédés du même virus".

Le malade de Marburg démarre par une forte fièvre et des maux de tête

La maladie à virus Marburg est une fièvre hémorragique. Appartenant comme le virus Ebola à la famille des filoviridés, le micro-organisme a été détecté pour la première fois en 1967 dans un laboratoire de Marburg en Allemagne ainsi que dans celui de Francfort et de Belgrade (Serbie). A cette occasion, il a provoqué des flambées épidémiques parmi le personnel des laboratoires qui travaillaient alors sur des singes verts venant d'Ouganda. Par ailleurs, D'autres virus à fièvre hémorragique existent. Comme la fièvre de Lassa ou le virus Crimée-Congo. Véhiculé par les tiques, ce dernier est insidieux car asymptomatique pour les animaux domestiques. Depuis ces dernières années, il a été repéré en Turquie, en Iran, en Mauritanie ainsi qu'en Espagne.

Tout comme Ebola, Marburg démarre par une forte fièvre, des maux de tête et des douleurs diverses. Au 3e jour, se manifestent diarrhées, nausées et vomissements chez le malade décrit alors comme un “fantôme“ à cause d'un visage inexpressif et d'yeux profondément enfoncés dans les orbites. Entre le 5e et le 7e jour apparaissent des hémorragies diversement localisées sur l'ensemble du corps. Le décès survient deux jours plus tard pour les cas les plus graves. Pour les virus Ebola-Zaïre et Marburg, la période d'incubation se situe entre 2 et 21 jours. En deçà, les virus restent indétectables et ne peuvent donc pas être diagnostiqués. Les premiers symptômes des fièvres hémorragiques peuvent être confondus avec d'autres maladies, comme la dengue, le paludisme, la fièvre typhoïde ou la dysenterie.

Lire aussi9 morts confirmées en Guinée équatoriale, dues au virus de Marburg

Très proches, les deux virus présentent néanmoins quelques différences. "L'une d'entre elles réside dans le mécanisme d'édition génomique d'Ebola qui relargue dans l'organisme du patient plusieurs types de protéines de surface. Ces dernières constitueront des leurres pour les anticorps qui s'y agrègent, rendant ainsi la maladie légèrement plus mortelle que pour Marburg qui ne dispose pas de ce mécanisme" explique à Sciences et Avenir Jean-Claude Manuguerra de l'Institut Pasteur.

S'il existe depuis 2018 un vaccin protecteur contre la souche la plus mortelle d'Ebola, Ebola-Zaïre dont le taux de mortalité peut atteindre 90%, ce n'est pas le cas pour Marburg. Du reste, à part pour la souche Ebola-Zaïre pour laquelle il existe aujourd’hui deux traitements validés basés sur des anticorps monoclonaux, aucun médicament spécifique n'existe concernant ces deux virus une fois que les malades sont infectés. "Toutefois précise Jean-Claude Manuguerra, une prise en charge à base de perfusions pour éviter la déshydradation corporelle permet de faire baisser de moitié le taux de mortalité". “Même sans l'existence de traitements spécifiques, appuie Anaïs Legand, des soins précoces peuvent considérablement changer la donne. Pour cela, un aspect très important pour nous est d'engager des liens avec les communautés locales en plus de doter ces pays de capacités de diagnostics, de leur donner accès à des gants et à des blouses et de renforcer les pratiques de prévention et de contrôle des infections, comme les pratiques d’injection sécurisées."

Sylvain Baize, également de l'Institut Pasteur, ajoute que l'autre différence notable entre les deux virus réside dans leurs biotopes respectifs. “Si, dans les deux cas, les hôtes naturels sont des chauve-souris, ce sont celles de la forêt pour Ebola, alors que des roussettes des grottes et des mines portent le Marburg, qui reste donc un virus plus isolé. C'est dans ces lieux que les humains courent le plus de risque d'être infectés à la suite de contacts prolongés avec les roussettes qui y nichent. De plus, dans le cas d'Ebola, les grands singes étant des intermédiaires entre les chauve-souris et les humains, c'est souvent par la consommation de viande de brousse d'animaux malades que la transmission du virus se produit. Ce mode de transmission n'a pour le moment pas été décrit pour le virus de Marburg".

Les humains pourraient-ils un jour devenir des réservoirs du virus Marburg ?

Ces deux virus évoluent peu. Toutefois, à l'instar de tous ces micro-organismes, c'est à l'occasion d'épidémies de grande ampleur s'étalant sur de longues durées qu'on peut les voir se modifier. Cela a notamment été le cas lors de l'épidémie d'Ebola qui s'est étalée de de 2013 à 2016 en Afrique de l'Ouest et qui a révélé que le virus avait muté au fil du temps.

Concernant la résurgence de ces virus plusieurs années après l'infection chez des personnes ayant survécu aux maladies, cela a été documenté pour Ebola. "C'est un sujet très préoccupant, dit Jean-Claude Manuguerra, étant donné que des humains pourraient un jour devenir des réservoirs de ces virus qui s'affranchiraient alors de leurs berceaux géographiques. Mais pour le moment, aucun exemple de résurgence n'a été observé pour Marburg".

Cette alerte épidémique en Guinée-Equatoriale a été déclenchée par les autorités sanitaires alors qu'un seul cas s'est donc pour l'instant avéré positif pour le virus. Excès de prudence ? "Si la Guinée-Equatoriale a déclaré l'épidémie dès le 13 février, c'est que cette maladie n'y est pas endémique, explique Anaïs Legand. Dans une telle situation, dès l'apparition d'un seul cas, il est de règle de déclencher l'alerte. La Guinée-Equatoriale est un petit pays d'un million d'habitants, politiquement fermé et qui n'a qu'une expérience limitée pour gérer des épidémies d'Ebola et de Marburg. Il fallait donc réagir vite". Et comme l'ajoute Jean-Claude Manuguerra : "Tout l'enjeu est de ne pas laisser ces épidémies se propager. Dans ce cadre, il vaut mieux en faire trop que pas assez..."

Commenter Commenter
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications