La ville de la Nouvelle-Orléans, en Louisiane au sud-est des Etats-Unis, semble condamnée à faire face à des problèmes interminables. Dévastée lors du passage de l’ouragan Katrina en 2005, la ville fait actuellement face à un autre problème de taille: un taux d’homicides considéré comme le plus élevé au pays.

Surnommée Big Easy, la Nouvelle-Orléans a enregistré le taux d'homicides le plus élevé de toutes les grandes villes américaines jusqu'à présent cette année, avec environ 41 homicides pour 100.000 habitants lors de la première moitié de 2022, à en croire les données de l’Association nationale des chefs de police des grandes villes.

Le taux d'homicides était de 11,5 à Chicago, de 4,8 à Los Angeles et de 2,4 pour 100.000 habitants à New York lors de la même période.

Si la ville ne fait pas exception dans un pays où les taux de crimes violents ne sont toujours pas revenus aux niveaux d'avant la pandémie, la situation demeure néanmoins pire qu’ailleurs.

En effet, depuis le début de l'année le taux d'homicides à la Nouvelle-Orléans a augmenté de 141 % par rapport à la même période en 2019, selon la Metropolitan Crime Commission Inc., une organisation à but non lucratif qui s'efforce de réduire la criminalité. Les fusillades ont augmenté de 100 %, les vols de voiture de 210 % et les vols à main armée de 25 %.

Une situation explosive qui s’explique par un service de police débordé et à court de personnel.

Lorsque l'ouragan Katrina a frappé la ville en août 2005, le service de police comptait environ 1.400 agents. Aujourd'hui, il en compte environ 950, et le nombre ne cesse de diminuer chaque semaine.

Pour ne rien arranger, les policiers quittent le service plus rapidement que la ville ne peut les remplacer.

"Nous perdons un officier toutes les 44 heures", a souligné le président de l'Association de la police de la Nouvelle-Orléans, le capitaine Michael Glasser.

Le service de police est tellement sollicité que le temps de réponse moyen du 911 - numéro d'appel d'urgence - est de 2 heures et demie, selon un récent rapport d'une société d'analyse présenté au conseil municipal de la ville.

Côté budget consacré à la police, il demeure inférieur à celui dédié à d’autres villes. Le budget des dépenses totales du service de police de la Nouvelle-Orléans cette année est de 215 millions de dollars, contre 178 millions de dollars en 2021. Cela représente environ 570 dollars par habitant. A titre de comparaison, New York dépense environ 653 $ pour le maintien de l'ordre par habitant au cours de cet exercice.

Le climat délétère de la violence armée pousse même la population à quitter la ville. Selon le Bureau de recensement américain, la Nouvelle-Orléans compte actuellement près de 377.000 habitants, en baisse de 24 % par rapport à 2005 et d'environ 1,8 % par rapport à 2020.

En juillet dernier, un groupe de plus de 100 entreprises de la région, des organisations à but non lucratif, des groupes religieux et la branche locale de l’organisation américaine de défense des droits civiques ont souligné leur frustration quant à l'incapacité des dirigeants de la ville à réduire la criminalité et ont promis 15 millions de dollars au cours des trois prochaines années pour lutter contre la criminalité et promouvoir les services aux jeunes.

Le fléau de la violence armée menace aussi le secteur touristique, considéré comme une source importante de revenus dans la "Crescent City".

La Nouvelle-Orléans est réputée, historiquement, comme l'une des principales destinations touristiques aux Etats-Unis, mais beaucoup craignent que la criminalité violente croissante ne change la donne.

Les revenus touristiques de la ville demeurent toujours en deçà des niveaux pré-pandémiques.

Les dépenses des visiteurs à la Nouvelle-Orléans qui avaient atteint un niveau record de 5,2 milliards de dollars en 2019 sont tombées à 2,6 milliards de dollars en 2020 avant de se redresser l'année dernière à 3,8 milliards de dollars.

La situation sécuritaire, qui continue de se dégrader, a même poussé les responsables locaux à solliciter l’aide d’officiers vétérans du département de police de New York (NYPD). Ces derniers, menés par l’officier à la retraite Fausto Pichardo, ont émis 50 recommandations pour aider le département de police local à enrayer les crimes violents et à engager plus d'effectifs.

En l'espace de 10 jours, des officiers vétérans du NYPD ont ainsi visité différents postes de police et se sont entretenus avec des agents et des citoyens pour recueillir leur avis. Un rapport élaboré à cet effet met l'accent sur les mesures qui doivent être prises en toute urgence.

Parmi les recommandations figurent la réaffectation de plus de 200 officiers, actuellement en charge de tâches autres que les patrouilles dans les rues, l’installation de davantage de caméras de surveillance et la mise en place d’un système de notifications des crimes violents.

Nul doute que des efforts colossaux et une transformation radicale des services de police sont nécessaires pour que Big Easy retrouve sa quiétude et son attraction d’antan. Pour les habitants de la Nouvelle-Orléans, il serait bien dommage que des criminels aient le dernier mot au berceau du jazz américain.