A la Silicon Valley, les géants de la technologie vacillent

A la Silicon Valley, les géants de la technologie vacillent
Source : Map
06/02/2023 13:20

Un "séisme" ébranle la stratosphère de la technologie, au cœur de la Silicon Valley, le territoire emblématique de l'innovation aux Etats-Unis et dans le monde.

Depuis plus d’une année, des licenciements en masse se succèdent et se ressemblent au sein des géants de la technologie à telle enseigne que des observateurs évoquent “une contagion sociale” et une “épidémie” qui gangrène un secteur considéré jusqu’ici comme névralgique et à forte valeur ajoutée.

Qualifiée de “bain de sang” par certains, la vague de licenciements qui s’est intensifiée en début de l’année en cours, a commencé en 2022. Des dizaines de milliers d’emplois ont été supprimés, notamment chez Meta, la maison mère de Facebook, Twitter ou encore Salesforce. Cette année, d’autres multinationales, comme Amazon, Google, IBM et Microsoft ont emboîté le pas à leurs consœurs, portant à 220.000 le nombre total des personnes licenciées.

Cette opération a fait couler beaucoup d’encre et a suscité moult interrogations aussi bien chez les analystes et les observateurs que parmi les victimes de licenciement qui se croyaient à l’abri de la “précarité sociale” au sein de compagnies prestigieuses.

“Pourquoi plusieurs entreprises des plus rentables de notre génération, dont la plupart sont encore très rentables, ont-elles annoncé des séries de licenciements en masse, les unes après les autres”, se demande Brian Merchant, journaliste spécialiste en technologie au Los Angeles Times.

En cherchant des éléments de réponse, ce journaliste estime qu’il faut aller au delà du refrain répété à outrance par certains analystes selon lequel ces licenciements sont dictés par l’adversité économique et font partie des mesures d'austérité décidées dans la douleur par les compagnies après la vague de recrutements massifs opérée durant la pandémie de Covid-19.

C’est cet argument-là que le patron de Google, Sundar Pichai, a avancé pour justifier la suppression de 12.000 emplois. “Nous avons recruté pour une réalité économique différente de celle que nous affrontons aujourd’hui”, a-t-il indiqué dans un e-mail aux employés.

Sur ce point, la journaliste Heather Long du Washington Post relève que les directeurs exécutifs ont été induits en erreur par les résultats remarquables réalisés durant la pandémie.

“Ils croyaient que l’économie a changé de face pour de bon et qu’ils devaient gagner la guerre des talents au moment où il était difficile de trouver des employés”, écrit la publication américaine, notant que l’industrie de la technologie fait l’objet d’une opération d'ajustement et de restructuration et n’est en aucun cas menacée d’effondrement.

Dans la même veine, le patron de Microsoft, Satya Nadella, a expliqué, dans un mémo au personnel, que les licenciements sont dictés par la conjoncture économique actuelle, en indiquant que certaines parties du monde sont déjà aux prises avec la récession alors que d’autres attendent leur tour”.

Aux yeux de Merchant, l’argument de la récession ne tient pas la route, d’autant plus que l’économie américaine vient de créer des centaines de milliers d’emplois durant le mois dernier.

“Certes l’inflation fait mal, mais l’économie se porte bien”, estime le journaliste, qui voit dans ces licenciements une manifestation de la “cupidité” du secteur technologique.

Pour Malcolm Harris, auteur du livre “Palo Alto: histoire de la Californie; le capitalisme et le monde”, le contrôle des coûts de l’emploi à travers des licenciements périodiques fait partie du cycle de vie des entreprises de la Silicon Valley. Il estime toutefois que les récentes suppressions d’emplois ne font pas partie d’une stratégie à moyen ou à long terme mais d’une tentative d’entretenir un sentiment de précarité parmi les travailleurs.

Merchant et bien d’autres évoquent un acte de “représailles” de la part des directeurs exécutifs de ces multinationales surtout que les salaires des employés sont montés en flèche durant les deux dernières années au même titre que leur capacité de négocier et de s'imposer, soulignant que les travailleurs du secteur de la technologie, qui deviennent de plus en plus organisés dans le cadre de syndicats, ont intensifié, au fil des cinq dernières années, leurs revendications pour le changement, ce qui n’était pas du goût du leadership des multinationales californiennes.

“Les gains concrets obtenus jusqu'à présent par l'organisation des travailleurs de la technologie peuvent être relativement faibles, mais la hausse des salaires et la capacité d'organisation croissante menacent les résultats des géants de la technologie et la marque de souveraineté exécutive qui est prisée dans la Silicon Valley”, écrit Los Angeles Times.

Il s’agit, selon des observateurs, d’une tentative de resserrer l'étau autour de la main d'œuvre et de mettre en évidence sa précarité. “Ce stratagème a permis de transformer les géants de la tech en des entreprises des plus rentables de l’histoire”, écrit la publication californienne.

Abondant dans le même sens, Avery Hartmans, analyste au site d’information spécialisé “Business Insider”, fait observer que l’idée de la “précarité économique” n’est pas étrange à la Silicon Valley, notant toutefois que durant les dix dernières années, des géants de la tech ont promis à leurs employés “le sentiment de se sentir en sécurité et en famille”. Cette promesse d’appartenance et de travail collectif vers un objectif commun a buté sur l’illusion et la simple rhétorique, estime l’analyste.

S’agissant de l’impact de ces licenciements sur l’économie américaine, des experts minimisent leur portée, en indiquant que ce secteur ne concentre que 2% des travailleurs aux Etats-Unis. Pour d’autres, c’est le volet des dépenses qui en fera les frais, surtout que ces employés percevaient des salaires élevés et dépensaient amplement sur plusieurs aspects de la vie.

Au-delà de l’incidence économique de ces décisions, des observateurs craignent l’impact sur la santé physique et mentale des personnes lésées. Selon Jeffrey Pfeffer, professeur à Stanford Graduate School of Business, ces licenciements risquent de provoquer la dépression chez une catégorie qui porte déjà les séquelles de deux années d’isolement social imposé dans le sillage de la pandémie de Covid-19.

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