Portrait de feu Mohamed Bensaïd Aït Idder : Le Patriote, le Politicien, l'Érudit

Portrait de feu Mohamed Bensaïd Aït Idder : Le Patriote, le Politicien, l'Érudit
Source : SEFIANI Karim
06/02/2024 11:00

Décédé ce 6 février, le Maroc pleure la perte d'une personnalité politique qui a consacré sa vie à la défense de la justice sociale, de l'indépendance et de la diversité culturelle.

"Le combat pour la démocratie est un combat permanent." Cette assertion, proférée par Mohamed Bensaïd Aït Idder au cours d'une interview au journal Le Monde en 1990, résonne comme un écho persistant dans les corridors de l'histoire du Maroc contemporain. 
 
Né le 1er juillet 1925 à Massa, Aït Idder s'est éteint ce 6 février 2024, laissant derrière lui un héritage façonné par des décennies de lutte acharnée pour la justice sociale, l'indépendance nationale et la reconnaissance des diversités culturelles. Voici les étapes marquantes de sa vie, une existence dédiée à la défense de ses idéaux.
 
Jeunesse et engagement nationaliste (1925-1956)
 
Au creux des montagnes du Souss, la vie de Mohamed Bensaïd Aït Idder prend racine dans une famille modeste. Son père, humble agriculteur, et sa mère, dévouée femme au foyer, imprègnent son enfance d'une éthique de persévérance et d'un attachement profond à ses racines berbères. Ces premières années forgent les fondations de sa personnalité résiliente.
 
En 1945, Aït Idder franchit les portes de l'Université Ibn Youssef à Marrakech, plongeant dans un monde où théologie, langue arabe et littérature se conjuguent. Son parcours académique le conduit à des rencontres décisives avec des figures éminentes du mouvement nationaliste, éveillant en lui un engagement précoce pour la cause.
 
La vie politique d'Aït Idder s'entrelace avec l'histoire du Maroc sous le protectorat français. En 1946, il rejoint le Parti de l'Istiqlal, devenant rapidement un protagoniste des manifestations contre l'oppression coloniale. Emprisonné en 1950 pour ses convictions, il devient l'un des artisans du Manifeste de l'Indépendance, jetant les bases de son destin de militant.
 
Lutte pour l'indépendance et édification du Maroc (1956-1960)
 
La proclamation de l'indépendance en 1956 marque un tournant dans la vie d'Aït Idder. Son engagement se métamorphose en une contribution active à l'édification du nouvel État. Rédacteur de la Constitution de 1962, il occupe des postes ministériels, incarnant un architecte de la jeune nation marocaine.
 
L'évolution politique d'Aït Idder culmine en 1959 avec la création de l'UNFP, parti de gauche prônant la justice sociale et l'égalité. Secrétaire général en 1960, il devient député à la Chambre des représentants.
 
À travers ces étapes, le jeune résistant émerge progressivement comme un leader politique affirmé, tissant les prémices d'un héritage voué à marquer l'histoire du Maroc.
 
Opposition et exil (1960-1990)
 
Les premières fissures dans la relation d'Aït Idder avec son Maroc se manifestent par des périodes récurrentes d'emprisonnement. Les émeutes de Casablanca en 1960 le plongent derrière les barreaux tandis que son assignation à résidence en 1971 dans son village natal de Massa devient un moment clé de son existence.
 
Contraint à l'exil en 1980, Aït Idder s'établit en France, préservant son engagement politique à distance. À travers la fondation du Mouvement 23 Mars en 1965 et sa participation à la création de la Confédération Démocratique du Travail (CDT) en 1978, il maintient la flamme de la résistance allumée. Ses activités politiques en exil sont un témoignage de sa détermination à œuvrer pour un Maroc plus démocratique, même depuis les terres étrangères.
 
Cependant, Aït Idder ne se contente pas d'observer passivement les événements depuis son exil. Il devient un écrivain et commentateur politique prolifique, publiant des articles et des livres critiques envers le régime marocain. Son plaidoyer pour la démocratie et la justice sociale trouve écho dans des conférences et manifestations internationales, consolidant sa position en tant que voix incontournable de la diaspora politique marocaine.
 
Défense de la cause Amazighe et retour sur la scène politique (1990-2024)
 
Le retour d'Aït Idder au Maroc en 1990 marque une nouvelle phase de son engagement. En plus de son activisme politique, il se consacre à la défense de la cause amazighe. En cofondant le Parti Socialiste Unifié (PSU), il intègre cette préoccupation dans son plaidoyer global pour la justice sociale et l'égalité.
 
Aït Idder, aux côtés d'autres figures engagées, donne ainsi naissance au Parti Socialiste Unifié (PSU). Cette étape témoigne de sa quête continue pour une plateforme politique englobant les idéaux de justice sociale, de démocratie et de pluralisme culturel. Le PSU devient un point d'ancrage pour les progressistes, consolidant l'influence d'Aït Idder dans le paysage politique.
 
Sa défense de la cause amazighe s'intensifie au cours de cette période. Conscient de l'importance de préserver et promouvoir la diversité culturelle du Maroc, Aït Idder milite activement pour la reconnaissance officielle de la langue et de la culture amazighes. Son plaidoyer trouve écho au sein de diverses communautés et contribue à ancrer la question amazighe au cœur des débats nationaux.
 
Outre ses activités au sein du PSU, Aït Idder joue également un rôle prépondérant dans la création de la Confédération Démocratique du Travail (CDT) en 1978. Cette organisation syndicale, dont il est l'un des fondateurs, devient un acteur majeur dans la lutte pour les droits des travailleurs au Maroc. L'engagement d'Aït Idder envers la justice sociale s'étend ainsi au-delà du seul domaine politique, embrassant les préoccupations économiques et sociales.
 
Décès et héritage éternel
 
Ainsi, le 6 février 2024, la vie de Mohamed Bensaïd Aït Idder trouve son épilogue à l'hôpital militaire de Rabat, marquant la fin d'un chapitre riche en réalisations et en sacrifices. À l'âge de 98 ans, son départ laisse un vide dans le paysage politique marocain, mais son héritage perdure comme un phare guidant les générations futures.
 
Cet engagement tout au long de sa vie est reconnu en 2015 lorsqu'il est décoré par Sa Majesté le Roi Mohammed VI d'un Wissam, honorant ainsi sa contribution à l'histoire du Maroc moderne. 
 
Anecdotes et traits personnels
 
Derrière le leader politique se tenait un homme d'une grande culture. Aït Idder était reconnu pour sa vaste connaissance des arts, de la littérature, et de l'histoire, un érudit dont l'intelligence transcendait les arènes politiques. Sa bibliothèque personnelle, un trésor d'ouvrages englobant divers domaines, témoignait de son insatiable soif de savoir.
 
Sa vie était aussi tissée de moments où le courage et la détermination se dressaient en rempart contre l'oppression. Malgré les épreuves, Aït Idder portait en lui une résilience admirable, renforcée par un sens de l'humour qui illuminait même les heures les plus sombres. Ses discours publics étaient empreints d'une conviction qui captivait son auditoire, mais ses proches se souviendront aussi de ses anecdotes teintées de sagesse et d'humour.
 
À travers ses années d'exil et de lutte, l'attachement d'Aït Idder à son pays et à son peuple demeurait inaltérable. Les récits de sa vie dévoilent ainsi un homme profondément enraciné dans sa patrie, un patriote dont la vision pour le Maroc allait au-delà des clivages politiques. Son amour pour la diversité culturelle du Maroc était une constante, reflétant son désir de voir son pays prospérer dans l'unité et la reconnaissance de sa richesse pluriculturelle.
 
Citations marquantes
 
- "La justice sociale est la condition sine qua non du développement."
*Cette maxime, énoncée lors d'un discours à un congrès de l'UNFP en 1960, reflète la conviction profonde d'Aït Idder quant à l'importance de la justice sociale dans le progrès d'une nation.
 
- "Le Maroc ne peut se construire sans la reconnaissance de sa diversité culturelle."
*Tirée d'un article paru dans la revue Amazigh en 1995, cette citation souligne la vision inclusive d'Aït Idder, plaidant pour la reconnaissance et la valorisation de la richesse culturelle marocaine.
 
Ainsi, La vie de Mohamed Bensaïd Aït Idder s'épanouit comme une épopée, une saga de lutte, de sacrifice, mais aussi de culture, d'intelligence et d'humanité. Son rôle dans la lutte pour l'indépendance, sa contribution à la construction d'une démocratie et son plaidoyer incessant pour la justice sociale font de lui une figure incontournable du Maroc contemporain.
 
Sa disparition, ce 6 février 2024 ne marque pourtant pas la fin de son influence. L'héritage d'Aït Idder transcende les générations, incitant chaque Marocain à réfléchir sur la nécessité perpétuelle de défendre les principes fondamentaux d'égalité, de liberté et de reconnaissance culturelle.
 
Dans la mémoire collective du Maroc, Mohamed Bensaïd Aït Idder demeurera éternellement comme un phare guidant la nation vers un avenir de justice, de démocratie et de respect de la diversité.
 
Repose en paix grand homme. 

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