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Algérie : pour l’Aïd, c’est la bête ou la défaite

Par EL BARHRASSI Meryem -le

Algérie : pour l’Aïd, c’est la bête ou la défaite
Le mouton se mérite désormais à la loterie. En Algérie, les citoyens n’ont plus qu’à croiser les doigts et espérer que le destin – ou le ministère de l’Agriculture – leur accorde le droit suprême : acheter un mouton pour l’Aïd al-Adha. Une initiative qui mêle foi, frustration et farce administrative.

Un tirage au sort. Pour un mouton. Non, ce n’est pas un sketch des Inconnus version maghrébine, mais bel et bien la dernière trouvaille des autorités algériennes. Pour prétendre à l’achat d’un bélier importé, les candidats doivent fournir carte d’identité, coordonnées bancaires, et prier, pas pour l’Aïd, mais pour être tirés au sort. Comble de l’absurde, qu’il soit vivant, comestible ou déjà périmé, l’acheteur est obligé de payer. Pas de retour, pas de remboursement. Une bénédiction sous conditions.

 

Sur les réseaux sociaux, les moqueries pleuvent. Mèmes, vidéos parodiques, détournements du logo du Loto… Pour beaucoup, cette loterie ovine est le symbole d’un pays où même les traditions religieuses doivent désormais passer par le guichet du hasard.

 

Le mouton arrive en cargo… et en grande pompe

 

Pour pallier la flambée des prix – et éviter la révolution des barbecues – le gouvernement a lancé une opération “Moutons Express” depuis la Roumanie et l’Espagne. Les béliers débarquent par centaines, acclamés comme des chefs d’État, sous l’œil attendri des caméras nationales. On attend encore la haie d’honneur à l’aéroport.

 

La télévision d’État retransmet leurs arrivées avec la solennité d’un sommet diplomatique. Des moutons sur tapis rouge, peut-être, mais toujours pas dans les foyers.

 

Un retour aux années de files d’attente

 

Et qui dit crise, dit longues files d’attente. Cette année, on ne fait plus la queue pour du lait ou de l’huile, mais pour un mouton à 40.000 dinars pièce, prix unique et non négociable. La bête pèse 30 ou 60 kilos ? Même tarif. Qualité douteuse ? Idem. Uniformité républicaine oblige, tout le monde est égal… dans l’inégalité.

 

Des vidéos virales montrent des foules compactes, désespérées, et parfois prêtes à en découdre. L’émeute n’est jamais loin. L’Aïd se prépare donc dans une ambiance de guerre d’usure.

 

Un mouton pour tous… ou personne

 

Face au tollé, un responsable du ministère, préférant garder l’anonymat, défend la démarche : « Une solution exceptionnelle pour une situation exceptionnelle. » Traduction : on ne sait plus quoi faire, mais on fait quand même. Car malgré les milliards d’exportations de gaz, il semble que produire ou acheter localement des moutons soit devenu un défi d’ingénierie.

 

Au-delà de la farce, cette histoire est aussi une métaphore cruelle. Dans un pays assis sur des hydrocarbures, on peine à fournir de la viande. La gestion du mouton de l’Aïd, devenue jeu de hasard, révèle une réalité moins drôle : pénurie structurelle, manque d’anticipation et gestion à vue.

 

Quand un rite religieux devient une loterie nationale, c’est qu’un cap a été franchi. Et dans l’Algérie de 2025, même sacrifier un mouton devient un privilège… à tirer au sort.


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