Le débat sur la révision du Code de la famille au Maroc s’intensifie. Mais derrière les slogans sur l’égalité des droits, une réalité s’impose : les femmes divorcées restent souvent sans protection économique. Le cœur du problème tient à l’article 49 de la Moudawana, qui institue la séparation des biens comme régime par défaut. Résultat : à moins d’un contrat explicite, chaque époux conserve les biens enregistrés à son nom.
Ce contrat, pourtant prévu par la loi, est rarement signé, notamment dans les zones rurales ou au sein des familles modestes. En l’absence d’un accord préalable, les femmes doivent prouver leur contribution financière directe au patrimoine familial. Un défi quasi impossible, surtout lorsque les biens sont enregistrés exclusivement au nom du mari.
Travail invisible, droits inexistants
Même les tâches domestiques, pourtant essentielles à la vie familiale, n’ont pas de poids juridique. La Constitution de 2011 et plusieurs conventions internationales reconnaissent le travail non rémunéré, mais les tribunaux marocains peinent à en faire un critère d’évaluation économique. Faute d’outils juridiques et de formation adéquate des juges, cet apport reste sans valeur dans les décisions.
Autre dérive pointée par les spécialistes : la dissimulation du patrimoine. Enregistrement des biens au nom de proches, absence de déclaration fiscale, manœuvres pour échapper à tout partage… Autant de pratiques qui privent les femmes de leurs droits au moment du divorce.
Une réforme possible : changer le régime par défaut
Face à cette impasse, plusieurs juristes plaident pour l’instauration d’un régime légal des acquêts. Ce système, courant dans d’autres pays, considère que les biens acquis durant le mariage appartiennent aux deux conjoints, sauf preuve du contraire. Il inverserait la charge de la preuve et prendrait en compte la contribution non monétaire de chacun.
Avec plus de 24.000 divorces enregistrés en 2024, la question du partage équitable des biens devient urgente. Sans une réforme claire de l’article 49, la nouvelle Moudawana risque de reconduire les mêmes injustices. Pour des milliers de femmes, divorcer continue de signifier tout perdre.