Une quinzaine de jours est passé depuis le retrait des « kits de diagnostic rapide antigénique salivaire Covid-19 », produits par la société marocaine Gigalab des différentes pharmacies et toujours aucun signe d’un retour éventuel de ces produits sur le marché. Pour une majorité écrasante de pharmaciens et de personnes ayant déjà utilisé ce test salivaire marocain, il n’aurait même pas dû être commercialisé d’entrée de jeu…  

La vente d’un test salivaire pour détecter le Coronavirus à 120 DH auprès des pharmacies au Maroc a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme. C’est un fait indéniable. Mais le hic c’est qu’il ne fallait pas crier victoire trop vite…

Le 14 juillet dernier, l’annonce est faite de manière officielle dans un courrier adressé à l’Ordre des pharmaciens (voir fac-similé) par la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP), relevant du ministère de la Santé, qui décide « le rappel de lot du réactif à usage de diagnostic in vitro Gigalab Covid-19 Ag Gold Salive ».

"Nous en avons vendu quelques-uns seulement. Mais nous avons constaté que même si le résultat de ce test salivaire est sorti négatif pour des personnes, elles ont fait tout de même des tests PCR pour être plus "sûrs". C'est dire que les gens sont assez réticients et aussi à chaque fois, il fallait perdre beaucoup de temps à leur expliquer l'utilité de ce test salivaire. Temps qu'on a forcément pas quand l'officine est pleine de malades...Autre chose, nous n'avons pas été avisés de manière officielle pour pouvoir le commercialiser donc nous le présentions que si quelqu'un demandait d'abord après ce kit...", nous confie une pharmacienne au niveau de Maârif qui a reçu quelques kits de la part de sa société de distribution pharmaceutique.

Même opinion partagée par un autre gérant d’officine au centre-ville de Casablanca qui explique, en outre, à Lesinfos.ma : « Des erreurs ont été commises par la société productrice Gigalab, disons-le tout net. Tout d’abord, le patron de cette entreprise a confondu le Certificat d’enregistrement auprès du ministère de la Santé des réactifs à usage de diagnostic in vitro avec une autorisation de commercialisation sur le marché en bonne et due forme signée par le ministère de la Santé ».

Et d’affirmer : « Ce test salivaire a été distribué à quelques pharmacies dans certaines grandes villes. Et ce sont les sociétés de distribution pharmaceutique qui se sont occupées de ce volet. Alors qu'en principe avant la distribution, l'autorisation du ministère s'impose! A cet effet, il faut arrêter de défendre ce test salivaire à tout prix, car s’il avait vraiment prouvé son efficacité, son producteur aurait respecté la procédure et protocole de contrôle mis en place par le ministère de tutelle, mais à la place, il a préféré tester le marché directement avec l’aide de quelques pharmacies et de leurs établissements pharmaceutiques grossistes répartiteurs…Ce qui est loin d’être réglementaire !!».

Pour mettre fin aux bruits de couloir, ce pharmacien poursuit en précisant : « A mon humble avis le problème est ailleurs et il dépasse largement un soi-disant conflit entre les biologistes d’un côté et les pharmaciens avec le producteur de ce produit de l’autre. Certes, il est vrai que la Covid-19 affiche encore des victimes à son compteur mais cela ne veut pas dire que l’on doit prendre à la légère les tests Covid en cherchant un prix inférieur à celui du PCR. Car s’il est vrai que ce dernier est coûteux (dans les 500 DH) par rapport au test salivaire de Gigalab d’à peine 100 DH, mais néanmoins il reste le seul et l’unique de mondialement fiable ».

Concrètement pour un autre pharmacien à Ain Sebaâ, le risque et le danger résident : si jamais un patient atteint de la Covid mais ressort toutefois négatif au test salivaire, cette personne va donc aller contaminer toute sa famille et proches parce qu’elle se serait fiée à un test vendu en pharmacie pas dans un commerce quelconque !!

Même son de cloche du côté d’une source au sein de l’Ordre professionnel des pharmaciens au Maroc qui a partagé sous le sceau de l’anonymat avec Lesinfos.ma : « Le ministère a bien fait de retirer ces kits du marché, surtout que la société productrice n’avait pas l’autorisation du ministère de la Santé. Les pharmacies qui l’ont vendu ont de la chance de ne pas être inquiétée non pas pour le fait de l’administrer mais de celui de la mise en vente vu qu’il n’y a pas la fameuse autorisation…Il faut avouer que certains pharmaciens ont le complexe du médecin et de ce fait, ils souhaitent faire des tests eux-mêmes. Rappelons-nous qu’il a fallu que l’Ordre intervienne pour interdire à tous les pharmaciens d’administrer une injection ne serait qu’intramusculaire ! »

Somme toute, d’aucuns s’accordent à dire que le Roi Mohammed VI encourage la biotechnologie, et aussi que le gouvernement ne peut pas laisser la situation sanitaire s’aggraver, mais ce test salivaire n’est pas la panacée de la Covid-19 et il ne l’a jamais été. Bien au contraire, au pire des cas, il pourrait bien induire des cas positifs en erreur et les retarder à se faire dépister…

Tous ces spécialistes finalement concluent que les inconvénients et dangers de ce test rapide salivaire sont beaucoup plus importants que son unique avantage qui est d’être vendu à 120 Dh !!

Maria Idrissi