Économie bleue: Interview avec l'expert Abdallah Rattal

Économie bleue: Interview avec l'expert Abdallah Rattal
Source : Map
29/06/2022 10:35

L'expert en environnement et en développement durable, Abdallah Rattal, revient dans un entretien accordé à la MAP, sur le potentiel du Maroc en matière d'économie bleue, ses engagements et les opportunités de croissance des secteurs qui forment cette économie.

Quels sont les atouts que présente le Maroc en matière d’économie bleue ?

Je pense que l'économie bleue constitue l'un des piliers du développement durable du Maroc moderne, dans le cadre des enjeux et orientations de la Stratégie nationale de développement durable (SNDD) et du Nouveau Modèle de Développement (NMD). Elle complète le tableau des stratégies sectorielles engagées par le pays dans plusieurs domaines, notamment l'agriculture, l'environnement, l'accélération industrielle et le tourisme.

C'est une économie prioritaire et bénéfique pour un pays qui possède un littoral qui s'étend sur 3.500 Km, sur deux façades, la Méditerranée et l'Atlantique, avec 9 régions possédant un littoral sur 12. Le Maroc continue d'être un pays maritime par excellence.

Il est évident que les milieux marins et littoraux constituent un atout stratégique immense du Maroc, d'abord en termes de position géographique privilégiée entre deux mers, et ensuite en assurant plusieurs rôles primordiaux à tous les niveaux : historique avec une riche histoire liée à la mer, économique en termes de ressources halieutiques, de tourisme et d'échanges avec les pays du monde, culturel où le littoral existe dans l'imaginaire des marocains, un effet d'inspiration chez les créateurs, et un lieu des monuments spirituels.

Les potentialités naturelles sont importantes, avec la variabilité des écosystèmes côtiers et marins qui recèlent une riche biodiversité de faune et de flore, avec parfois des sites ou des espèces ayant un intérêt mondial. Les ressources halieutiques contribuent à la sécurité alimentaire du pays et à l'économie locale, des petits pêcheurs et des populations littorales.

Tenant compte des agressions et dégradations subies par le littoral, les enjeux majeurs sont la préservation et l'exploitation durable, à travers une gouvernance rationnelle basée sur les principes de l'approche Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC), traduite par les dispositions de la Loi 81-12 relative au Littoral.

Quels sont les engagements du Maroc vers une économie bleue ?

En plus des engagements dans les traités sur la mer, le Maroc a pris des engagements concrets qui démontrent sa volonté à préserver les espaces et écosystèmes du littoral et à moderniser l'exploitation des ressources halieutiques pour en tirer les meilleurs bénéfices, dans une vision de durabilité, et en développant les nouvelles filières comme l'aquaculture.

Dans ce cadre, il y a eu l'adoption de la Loi 81-12 relative au littoral, ainsi que le Plan National du Littoral dont le décret a été publié récemment dans le Bulletin Officiel. Mais l'action stratégique majeure est le plan Halieutis 2010-2020 qui constitue le départ d'une réelle prise en compte de l'économie bleue dans la politique de développement du pays. Tous les volets ont fait l'objet de mesures et projets concrets, donnant lieu à un bilan très positif.

Le renforcement des infrastructures et des modalités de gestion de la pêche (ports, villages de pêcheurs, programmes d'appui, etc.) a été accompagné par l'attraction des investissements, la formation des ressources humaines, et le renforcement institutionnel. En plus de l'Institut national de recherche halieutique (INRH) qui joue un rôle central dans la gestion scientifique des pêcheries et de la préservation du milieu, il y a eu la création de l’Agence Nationale pour le Développement de l’Aquaculture (ANDA) qui constitue une institution d'un grand intérêt pour la mise en route d'une aquaculture ambitieuse. La mise en œuvre de sa stratégie forme un pilier essentiel de l'économie bleue au Maroc.

Dans le cadre d’une stratégie nationale d'économie bleue, la Banque mondiale a accordé un prêt de 350 millions de dollars au Maroc pour appuyer le lancement du programme gouvernemental pour le développement de l’économie bleue.

Ce programme s’inscrit dans le cadre d'une vision intersectorielle, où les secteurs et les régions coopéreront pour maximiser les avantages de l'utilisation durable des actifs marins et côtiers. Une première phase de ce programme a débuté en 2021 en agrégeant les budgets programmes ministériels (2022-2026).

Comment est ce que l'économie bleue peut être, grâce aux opportunités de croissance que présentent les secteurs qui la forment, un levier de développement socio-économique au Maroc ?

Selon le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l'économie bleue, le secteur de la pêche représente entre 1% (activité primaire) et 2% du produit intérieur brut (activité de valorisation comprise), avec la création de 700.000 emplois directs, faisant du Maroc le premier producteur de poissons en Afrique, ainsi que le 13ème à l’échelle mondiale.

Les opportunités de croissance et de développement pour les différents secteurs productifs qui forment l’économie bleue au Maroc sont innombrables. Le terme "Économie" utilisé dans l'expression "économie bleue" a tout son sens, car c'est une économie qui regroupe des branches d'activités très diversifiées, et chacune d'elles doit faire l'objet de sa propre stratégie.

A titre d'exemple, il y a les principaux secteurs classiques qui sont : la pêche, les activités portuaires (pêche, marchandises, produits énergétiques, transport maritime de passagers, ports de croisières, ports de plaisance, ...), les infrastructures logistiques (stockage, transport de conteneurs, ...), l'exploitation des salines, et le tourisme balnéaire.

On peut y ajouter beaucoup d'autres activités et infrastructures qui sont stratégiques pour le pays ou essentielles pour l'économie locale, dont certains sont nouveaux ou peu 3 développés : Aquaculture, stations de dessalement de l'eau de mer, industries offshores, chantiers navals, parcs d'énergies renouvelables (éoliennes offshore, centrales solaires photovoltaïques flottantes, énergies houlomotrice et marémotrice), biotechnologies marines, sports nautiques, etc.

Le Maroc a la possibilité de développer des "clusters côtiers" qui attirent les investissements et créent des emplois.

Comment est-ce que le prêt de 350 millions de dollars accordé par la Banque mondiale en appuie à l’économie bleue au Maroc, va-t-il contribuer à la transition (vers une économie bleue) ?

L'appui de la Banque mondiale au nouveau programme de développement de l’économie bleue s'inscrit dans la coopération très réussie avec cette organisation financière internationale dans tous les domaines.

Je pense que cet appui permettra au Maroc de réaliser les objectifs qu'il a tracé pour un développement optimal des activités de l'économie bleue, avec des retombées positives sur sa croissance économique, sur les indicateurs sociaux et une meilleure valorisation des produits de la mer, tout en renforçant la préservation du milieu et la gestion conservatoire des ressources halieutiques.

En plus de l'optimisation des investissements des grands opérateurs du secteur, il ne faut pas oublier sa contribution importante à la lutte contre la pauvreté que permet le développement de cette économie, ainsi que l'amélioration des conditions de vie et de travail des petits pêcheurs ou intervenants.

Parmi les objectifs de ce programme, il y a lieu de souligner le renforcement institutionnel et financier, ainsi que la coordination entre toutes les parties concernées, et qui constitue un élément essentiel pour asseoir une bonne gouvernance de l'économie bleue.

Au niveau du cœur du métier, l'objectif principal vise à améliorer la gestion intégrée des ressources halieutiques, avec modernisation et renforcement des capacités des pêcheurs et autres acteurs concernés, afin d'augmenter la plu value, de valoriser les ressources de façon optimale et de drainer des investissements capables de créer des emplois et des richesses, tout en respectant les principes de la durabilité.

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