L’arrivée du Ramadan bouleverse bien des habitudes. L’alcool disparaît des étals, les établissements qui en vendent ferment temporairement, et les consommateurs se replient. Pourtant, une autre tendance se dessine : celle de la montée en flèche de la consommation de cannabis et de psychotropes.
Selon une étude du CHU Ibn Rochd, la consommation de psychotropes augmente de 10 à 15% durant cette période. Avec la disparition temporaire de l’alcool, certains trouvent dans le cannabis un substitut plus socialement toléré. « On ne boit pas, mais on fume », confie un habitué des joints après le ftour. Une logique bien ancrée dans certains milieux où le kif, loin d’être perçu comme une drogue dure, est considéré comme un simple compagnon de soirée.
Un substitut à l’alcool ?
Privés d’alcool, certains consommateurs se tournent vers des alternatives considérées comme plus socialement tolérées. « L’alcool est interdit, mais le cannabis semble passer sous les radars », confient plusieurs habitués. Un paradoxe qui s’explique par des représentations culturelles bien ancrées.
Dans les trains, les taxis, les cafés ou les ruelles, les discussions se font l’écho de cette adaptation. Pour certains, « fumer un joint après le ftour, c’est comme boire un thé », un rituel de fin de journée devenu monnaie courante. Pourtant, ce phénomène ne se limite pas aux consommateurs réguliers. Des vendeurs saisonniers profitent de la demande accrue pour se reconvertir temporairement en dealers, boostant un marché déjà bien structuré.
Un business qui s’adapte au Ramadan
Le mois sacré redéfinit les priorités et redistribue les cartes du marché de la drogue. Avec une clientèle plus large et une demande en hausse, les prix fluctuent, les réseaux s’organisent et certains profitent de l’aubaine. Mais cette surconsommation pose aussi des risques sanitaires accrus, notamment avec l’explosion de l’usage des psychotropes détournés, vendus sans ordonnance et consommés sans contrôle.
Face à ce phénomène, les spécialistes de l’addictologie alertent sur les dangers de ces consommations non maîtrisées. Outre les effets immédiats, les risques d’accoutumance et les conséquences sur la santé mentale sont souvent minimisés.
Tabous et contradictions
Si Ramadan est synonyme de spiritualité et de discipline, il est aussi un révélateur des tensions sociales. Certains voient dans cette consommation une forme d’échappatoire aux contraintes du jeûne, d’autres une simple adaptation aux restrictions. Quoi qu’il en soit, ce sujet reste largement tabou, rarement abordé dans le débat public.
Loin des clichés, cette réalité met en lumière une facette méconnue du Ramadan au Maroc : celle d’une société qui oscille entre rigueur religieuse et concessions sociales, entre interdits et réalités du quotidien. Une dualité qui ne cesse d’alimenter les débats, loin des regards mais bien ancrée dans les habitudes.