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Édito. Labubu, miroir d’un consumérisme en manque d’âme

Par EL BARHRASSI Meryem -le -modifié le :

Édito. Labubu, miroir d’un consumérisme en manque d’âme
Un petit monstre aux dents pointues affole TikTok, s’accroche aux sacs des célébrités et fait grimper les enchères à des niveaux délirants. Phénomène de mode ou piège à fric bien ficelé ? Derrière le jouet viral, un modèle marketing agressif qui révèle les dérives d’une société en manque de repères.

À première vue, c’est un jouet inoffensif. Une créature à grandes oreilles, croisée entre un lapin flippant et un Gremlin acidulé. Un monstre « mignon moche » baptisé Labubu, star autoproclamée des réseaux sociaux et nouvelle coqueluche d’un consumérisme en roue libre. Mais à y regarder de plus près, Labubu n’est pas un simple gadget. C’est un symptôme.

 

Créé en 2015 par un illustrateur hongkongais, le personnage aurait pu rester dans les pages d’un conte pour enfants. Mais depuis que le géant chinois Pop Mart l’a transformé en figurine à collectionner vendue dans des boîtes surprises, le phénomène a pris des allures de fièvre virale. Les vidéos d’unboxing se comptent en millions, les files d’attente débordent dans les rues de Londres, et les ventes explosent : près de 4 milliards de dirhams générés rien que par la créature à neuf dents en 2023.

 

Ce qui fait tourner la machine ? Le combo gagnant : rareté, mystère et approbation des célébrités. Lisa de BLACKPINK, Rihanna, Dua Lipa ou encore David Beckham posent fièrement avec leur Labubu, et voilà le jouet propulsé au rang de fétiche générationnel. On ne sait pas ce qu’on va recevoir, on espère un modèle rare, on filme sa réaction — et on recommence. Une boucle sans fin.

 

Le pire ? C’est pensé pour ça. Le système des mystery box ne repose pas sur la surprise, mais sur la frustration. Tu veux le modèle doré, tu tombes sur le basique. Tu veux la version collector, tu finis par en acheter dix. Le phénomène ne vend pas un jouet, il vend une émotion : l’excitation, l’attente, la frustration, la peur de rater quelque chose (FOMO, pour les intimes). C’est TikTok qui transforme ce cirque en spectacle. Et chaque clic fait monter la température… et les prix.

 

Résultat : des figurines vendues à plus de 50.000 dirhams sur les plateformes de revente. Une pièce géante adjugée à 1,5 million de dirhams lors d’une vente à Pékin. On n’est plus dans le domaine du jouet, mais dans celui de la spéculation de luxe, où une peluche devient un placement et où le ridicule n’a plus de plafond.

 

Et comme dans toute frénésie, viennent les dérives : contrefaçons, plateformes douteuses, bagarres en magasin. Pop Mart a même suspendu les ventes physiques au Royaume-Uni, dépassé par la folie qu’il a lui-même déclenchée.

 

Labubu, c’est l’icône d’un capitalisme émotionnel parfaitement huilé. Une créature inoffensive devenue monstre financier. Ce qu’il reflète ? Un monde où l’on achète de l’illusion, où la hype a remplacé le goût, et où des jouets deviennent des symboles de statut, parce qu’on ne sait plus très bien ce qui a de la valeur.

 

Alors oui, Labubu fait sourire. Mais quand une peluche fabriquée en Chine devient plus désirable qu’une œuvre d’art, il est peut-être temps de se demander : qui joue avec qui ?


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