Le tribunal de première instance de Berkane ouvre ce jeudi 19 juin un dossier inédit : celui des premiers citoyens poursuivis en vertu de la récente loi encadrant le droit de grève. Huit membres de l’Association nationale des diplômés chômeurs du Maroc sont appelés à la barre pour avoir mené un sit-in sans autorisation, réclamant un emploi. L’action, pacifique selon les intéressés, pourrait désormais leur coûter cher.
La manifestation s’est tenue il y a deux mois dans la ville de Berkane. Le groupe espérait ouvrir le dialogue avec les autorités locales sur la question du chômage des diplômés. La réponse a pris la forme d’une convocation judiciaire, fondée sur le nouveau texte adopté sous la houlette du ministre de l’Emploi, Younes Sekkouri.
Une loi fraîchement votée, déjà appliquée
Parmi les prévenus figurent Abdelkrim Azazi, Ahmed Mohammadi, Monir Erriyf, Samir Jiroudi, Chafika Bouaazawi, Naïma Laghzal, Safaa Mohammadi et Nadia Mohammadi. Tous sont accusés d’avoir enfreint les règles définies par la nouvelle législation sur les rassemblements publics et les grèves, votée en 2024.
Leur avocat évoque une interprétation excessive du texte. L’association, de son côté, parle de dérive répressive. Elle appelle les syndicats, ONG et mouvements politiques à se mobiliser pour défendre ce qu’elle considère comme un droit fondamental : le droit de revendiquer dignement un emploi.
Une salle d’audience sous tension
Le procès, qui se tiendra à partir de 9h30 dans la salle n°3 du tribunal, cristallise bien plus qu’un simple différend local. Il met à l’épreuve l’équilibre entre encadrement légal et liberté de manifester. L’affaire est suivie de près par les observateurs du champ syndical et associatif, qui craignent une jurisprudence restrictive.
Si le droit de grève fait désormais l’objet d’un encadrement formel, la question reste entière : jusqu’où peut-on aller sans empiéter sur les libertés publiques ? La réponse pourrait bien émerger de ce procès à Berkane, ville devenue – malgré elle – le théâtre d’un test grandeur nature de la loi Sekkouri.