La "Mahia", traditionnellement surnommée "l'alcool du pauvre", est plus qu'une simple eau-de-vie : c'est souvent l'ultime refuge contre un quotidien accablant, une échappatoire bon marché pour ceux qui n'ont pas les moyens de leur désespoir. Mais quand cette échappatoire se transforme en piège mortel, c'est toute une communauté qui est en deuil.
Le drame de Kénitra, qui a vu une nuit de veille se transformer en veillée funèbre, soulève des questions cruciales sur la sécurité sanitaire et la régulation des substances potentiellement mortelles distribuées dans l'ombre. Combien de morts faudra-t-il encore pour que les autorités prennent à bras-le-corps le problème de l'alcool frelaté, véritable fléau sanitaire, mais aussi social ?
Nous sommes confrontés à un double échec : celui de la prévention, qui doit passer par une éducation sanitaire et une sensibilisation aux risques liés à la consommation de produits non contrôlés ; et celui de la répression, avec la nécessité d'une traque implacable des distributeurs de mort.
Les habitants de Kénitra et des villages avoisinants méritent mieux que des réponses tardives et des mesures insuffisantes. Ils ont droit à la sécurité, à la santé, et surtout, à la dignité – trois droits fondamentaux que la misère et la négligence ont cruellement bafoués cette nuit-là.
Alors que les familles pleurent leurs morts et veillent sur leurs malades, c'est à l'ensemble de la société marocaine de réfléchir à la nature des sécurités qu'elle souhaite garantir à ses membres les plus vulnérables. La "Mahia" empoisonnée n'est que le symptôme d'un mal bien plus profond, celui de l'abandon et de l'oubli.