À chaque ouverture de billetterie, le même scénario se répète. Des milliers de supporters tentent leur chance sur les plateformes officielles. Les billets disparaissent en un temps record. Quelques heures plus tard, ils réapparaissent ailleurs, revendus à des prix qui n’ont plus rien de populaire. Entre 2.000 et 5.000 dirhams pour une place, parfois plus. Le stade devient un luxe. Le football, un produit spéculatif.
Ce système prospère sur la rareté et sur l’impatience. Il s’installe sans complexe, au vu et au su de tous, pendant que le vrai public se voit relégué au rôle de figurant d’un spectacle qui ne lui appartient plus.
Le moment le plus cruel se joue aux portiques d’accès. Billet en main, excitation intacte, espoir encore permis. Puis la sentence tombe : billet annulé, accès refusé. Aucun recours. Aucun remboursement. La somme engagée s’envole, tout comme le rêve d’assister au match.
Ces supporters ne sont ni naïfs ni fraudeurs. Ce sont des passionnés pris au piège d’un système qui les pousse vers des circuits parallèles faute d’alternative réelle. Le résultat est brutal : exclusion sèche, frustration totale, et un sentiment d’injustice qui laisse des traces.
Des règles claires, une application à géométrie variable
La Confédération africaine de football est pourtant limpide. Les billets sont nominatifs. Toute revente hors des canaux officiels est interdite. Tout ticket acquis sur le marché noir est annulable, sans compensation. Sur le papier, le cadre est strict.
Mais dans les faits, le marché parallèle continue de prospérer. Les revendeurs opèrent à visage découvert. Les plateformes informelles pullulent. Les sanctions restent marginales. Le message envoyé est ambigu : les règles existent, mais leur contournement semble toléré tant que le stade se remplit.
Une arnaque qui se nourrit du silence
Le droit marocain qualifie clairement ces pratiques lorsqu’elles reposent sur la tromperie. L’escroquerie est passible de prison et d’amendes. Les textes sont là. Les outils aussi. Ce qui manque, c’est une réponse ferme et visible.
Pendant que les réseaux de revente s’organisent, le supporter, lui, paie le prix fort. Financier d’abord. Moral ensuite. Car être recalé à l’entrée d’un stade n’est pas un simple désagrément. C’est une humiliation pour celui qui vit le football comme une passion, pas comme un placement.
Un football sans son peuple perd son sens
La CAN se veut une célébration africaine. Elle se nourrit de ferveur, de chants, d’émotion brute. Quand les tribunes se remplissent au détriment de ceux qui font battre le cœur du jeu, quelque chose se fissure. Le football perd sa spontanéité. Le stade perd son âme.
Un stade plein n’est pas toujours un stade vivant. Un vrai public ne se mesure pas à sa capacité de paiement, mais à son attachement au maillot, à son histoire et à ses couleurs.
Replacer le supporter au centre du jeu
La CAN 2025 mérite mieux que cette fracture silencieuse. Elle mérite une billetterie protégée, des contrôles renforcés, des sanctions effectives contre les revendeurs. Elle mérite surtout de rendre le football à ceux qui l’aiment vraiment.
Le spectacle ne se joue pas seulement sur la pelouse. Il commence bien avant, au moment où un supporter achète son billet avec l’espoir simple de vibrer dans un stade. Priver ce public, c’est trahir l’essence même du football.


