La loi 43.22 et son décret d’application marquent un tournant. Désormais, les juges disposent d’outils pour remplacer la prison par des mesures de réinsertion. Travail d’intérêt général, surveillance électronique, restrictions ciblées, ou encore amendes journalières.
Objectif affiché : désengorger des prisons saturées — plus de 100.000 détenus — et offrir aux condamnés de délits mineurs une chance de réparer autrement leur faute.
Dès le jour de l’entrée en vigueur, un tribunal d’Agadir a donné le ton. Deux mois de prison remplacés par une amende journalière : 300 dirhams par jour, 18.000 dirhams au total. Résultat : la liberté reste possible… mais pour ceux qui peuvent payer.
Voilà tout le problème. Une justice qui prétend humaniser la peine mais qui risque de créer un fossé entre riches et pauvres. Les premiers achètent leur liberté, les seconds s’entassent en cellule.
Le Conseil national des droits de l’Homme applaudit l’avancée. Moins de prison, plus de dignité. Mais prévient : sans moyens, pas de réussite. Former les magistrats, encadrer les condamnés, mobiliser associations et collectivités. Sinon, la belle idée restera lettre morte.
La Délégation pénitentiaire promet bracelets électroniques, plateformes numériques et équipes formées. Mais elle admet déjà un retard de coordination. La machine est lancée, mais la route reste longue.
Au Parlement, les débats l’ont montré : la réforme divise. L’amende journalière, introduite par la majorité, fait polémique. Pour beaucoup, c’est une justice à deux vitesses. Autre limite : trop d’infractions sont exclues du dispositif, réduisant son impact réel sur la surpopulation carcérale.
Les juges auront un pouvoir décisif. Mais l’équilibre entre réinsertion et dissuasion sera fragile. Une indulgence mal calibrée pourrait être perçue comme une impunité.
Les peines alternatives ne sont pas qu’une affaire de juges. Elles interpellent toute la société. Qui accueillera les condamnés en travail d’intérêt général ? Qui accompagnera les jeunes sortis de prison avec un bracelet électronique ? Qui garantira que ces mesures réinsèrent plutôt qu’elles n’excluent ?
L’État a ouvert la voie. Aux magistrats, à la société civile et aux institutions de transformer l’essai. Car derrière ce chantier, c’est la crédibilité même de la justice pénale qui se joue.