Le jugement est tombé mercredi soir : 30 mois de prison ferme et une lourde amende. Militante de longue date pour les libertés individuelles, cofondatrice du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI), Ibtissam Lachgar était poursuivie pour avoir publié une photo jugée offensante pour la religion musulmane.
L’image, prise à Londres en mai 2025 lors d’une manifestation féministe, montre la militante portant un t-shirt à slogan. Pour la justice marocaine, cette publication constitue une infraction aux dispositions du Code pénal. La défense, elle, insiste sur un contexte militant étranger et sur l’absence d’intention de porter atteinte à la foi.
Une militante qui se défend par la parole
À la barre, Lachgar a longuement expliqué ses motivations. « Je ne visais pas le Dieu des musulmans. Ce slogan visait une idéologie patriarcale qui opprime les femmes », a-t-elle déclaré devant le juge, soulignant la nature politique et féministe de son message. Elle a précisé : « Je n’ai pas publié la photo depuis le Maroc. Ce post s’inscrit dans le cadre de la liberté d’expression. »
La militante a également tenu à clarifier un autre point de polémique. Le mot « homosexualité » présent dans sa publication n’avait, selon elle, aucune visée négative. « Bien au contraire, il s’agissait d’une référence positive », a-t-elle soutenu, dénonçant l’amalgame entretenu autour de son engagement.
Une santé fragilisée au cœur du dossier
Cette condamnation intervient dans un contexte médical alarmant. Atteinte d’un cancer, Lachgar est apparue affaiblie au cours des audiences. Ses avocats ont demandé une liberté provisoire afin de lui permettre de subir une opération urgente. « Notre cliente est atteinte d’un cancer et son état s’aggrave. Elle risque la perte de son membre supérieur si l’opération n’a pas lieu dans les délais », a alerté Me Naïma El Gallaf.
Le parquet a néanmoins rejeté la demande, estimant que la loi ne permettait pas d’accorder une telle mesure. Une décision qui a suscité l’indignation de ses soutiens. Pour eux, l’urgence médicale dépasse le cadre judiciaire et devrait primer sur la sanction.
Au-delà de l’aspect médical, la défense s’inquiète des conditions de détention. Lachgar est placée en isolement et privée de promenade collective. Une situation jugée « inhumaine et attentatoire à la dignité » par ses avocats, qui réclament une prise en charge médicale adéquate et un régime carcéral moins sévère.